France

Le directeur de Sciences Po recommande aux élèves de l'école d'alterner les postes publics et privés

Le pantouflage serait-il entré les mœurs ? Le nouveau directeur de Sciences Po n'a en tout cas pas hésité à recommander aux élèves de l'école d'alterner postes dans le public et le privé, ce qu’il a présenté comme une «riche» expérience.

L'hebdomadaire Marianne a relevé que le directeur de Sciences Po Mathias Vicherat, fraîchement arrivé en poste, a abordé la délicate question du pantouflage au cours d'une conférence donnée devant les élèves de l'école le 1er décembre.

Interrogé par la présidente de Sciences Po TV Manon Tallien de Cabarrus sur le fait que 80% des élèves de l'école partaient dans le secteur privé à l'issue de leurs études, le haut fonctionnaire a estimé que l'«ADN de Sciences Po» était un «pluralisme dans les débouchés». 

«Effectivement, moi je ne souhaite pas que l'école soit principalement orientée vers le service public parce que ça laisserait de côté les trois quarts [des autres activités]», a-t-il déclaré avant d'aborder la question de l'alternance privé/public. «Ce que je vous conseille, c'est aussi peut-être dans votre vie professionnelle de faire des allers-retours. Alors parfois c'est mal vu, on dit qu'on "pantoufle" etc., mais la réalité c'est que je pense que c'est assez riche de pouvoir aller dans différents univers professionnels et donc Sciences Po permet ça», a-t-il déclaré. 

Le pantouflage, sport national d'élite ? 

Ancien élève de l'école et énarque, Mathias Vicherat a lui-même alterné fonctions publiques et privées, puisqu'il fut entre autres sous-préfet puis directeur de cabinet du maire de Paris, avant de quitter la fonction publique en 2019 pour devenir secrétaire général du groupe Danone, un «poste où il a succédé à Emmanuelle Wargon, appelée à devenir ministre du Logement», ne manque pas de rappeler Marianne

Cette pratique, décriée de longue date pour les éventuels conflits d'intérêts et les problèmes éthiques qu'elle peut engendrer, est réglementée mais pas illégale. En 2020, la nomination de l'ancien Premier ministre et maire du Havre Edouard Philippe au conseil d'administration de la société Atos, dont le Commissaire européen et ancien ministre Thierry Breton était au passage président jusqu'en 2019, a suscité la controverse. L'ancien Premier ministre, lui aussi passé par Sciences Po et l'ENA, a aussi travaillé chez Areva comme lobbyiste avant d'entrer en politique. 

En avril, l'ancienne secrétaire d'Etat de la macronnie Brune Poirson a elle aussi été accusée de pantouflage en intégrant le groupe Accord dix jours après avoir cédé son siège de députée du Vaucluse. 

Interrogé par Marianne en février 2020, le journaliste de L'Obs Vincent Jauvert, auteur d'un livre sur ce phénomène, estimait que le pantouflage s'était amplifié sous le mandat d'Emmanuel Macron. «De fait, 18 mois après la nomination du premier gouvernement Philippe, 40 conseillers ministériels avaient déjà pantouflé. C'est énorme !», avait-il déclaré.