Nicolas Sarkozy a dénoncé ce 2 novembre la décision du tribunal de Paris le forçant à témoigner au procès de l'affaire des sondages de l'Elysée, la jugeant «parfaitement anticonstitutionnelle» et «totalement disproportionnée». L'ancien président a refusé de répondre aux questions au nom de son immunité présidentielle et a quitté la salle d'audience vers 14h30, moins d'une heure après son arrivée.
A la barre de la 32e chambre correctionnelle, il a d'entrée de jeu contesté les conditions de sa comparution, dans une déclaration liminaire d'une dizaine de minutes. «J'ai appris par la presse que vous aviez lancé un mandat d'amener pour me contraindre par la force publique à venir témoigner», a déclaré Nicolas Sarkozy.
Je n'ai pas à rendre compte de l'organisation de mon cabinet ou de la façon dont j'ai exercé mon mandat
«De mon point de vue, cette décision n'est pas constitutionnelle et surtout elle est totalement disproportionnée. [...] C'est un principe essentiel des démocraties qui s'appelle la séparation des pouvoirs et, comme président de la République, je n'ai pas à rendre compte de l'organisation de mon cabinet ou de la façon dont j'ai exercé mon mandat», a-t-il poursuivi, affirmant avoir «fait appel» de la décision de le contraindre à témoigner.
Nicolas Sarkozy a ensuite systématiquement opposé le silence aux questions de fond du président du tribunal. «Si je commence à répondre au quart ou au dixième des questions, ça veut dire que je suis venu ici pour m'expliquer sur les faits», a-t-il expliqué, affirmant que sa position n'était «pas un choix» mais un «devoir».
Cinq anciens collaborateurs de Sarkozy parmi les prévenus
Protégé par la Constitution, l'ancien chef de l'Etat n'a jamais été poursuivi, ni entendu à propos des soupçons de favoritisme et de détournement de fonds publics sur lesquels s'expliquent depuis le 18 octobre ses anciens collaborateurs. Mais, coup de théâtre, le président de la 32e chambre correctionnelle du tribunal de Paris a ordonné le 19 octobre sa comparution comme témoin, au besoin «par la force publique», estimant son audition «nécessaire à la manifestation de la vérité».
Cité comme témoin par l'association Anticor, partie civile, Nicolas Sarkozy avait initialement fait savoir dans une lettre qu'il n'entendait pas venir, comme il l'avait déjà fait pendant l'instruction. Jusqu'ici, jamais la justice n'avait contraint un ancien chef de l'Etat à témoigner sur des faits en lien avec des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions.
Après le départ de Nicolas Sarkozy de la salle d'audience, plusieurs avocats de la défense ont demandé une suspension du procès, le temps que l'appel de l'ancien président de la République soit examiné. Le tribunal s'est retiré peu avant 15h pour délibérer.
Je ressens un grand sentiment d'injustice
Sur le banc des prévenus, cinq des anciens collaborateurs ou conseillers de Nicolas Sarkozy sont interrogés depuis deux semaines sur des prestations de conseil et de fourniture de sondages qui ont coûté plusieurs millions d'euros entre 2007 et 2012. Aucune n'a fait l'objet d'un appel d'offres, ce qui constitue pour l'accusation un cas de favoritisme de la part de l'ancien secrétaire général Claude Guéant, de l'ancienne directrice de cabinet Emmanuelle Mignon et de celui qui était alors conseiller technique «opinion», Julien Vaulpré. Soupçonné d'avoir profité d'un «avantage injustifié», l'ancien sondeur Pierre Giacometti et le très droitier politologue Patrick Buisson sont jugés pour recel de favoritisme.
«J'ai été le premier président de la République à avoir eu cette idée étrange de faire rentrer la Cour des comptes à l'Elysée. Si je n'avais pas eu cette idée, nul doute que votre tribunal ne serait pas saisi de cette affaire. C'est la raison pour laquelle je ressens un grand sentiment d'injustice», a glissé Nicolas Sarkozy à la barre. C'est après le tout premier rapport des Sages de la rue Cambon sur les finances de la présidence que l'association avait déposé la plainte à l'origine de l'affaire.
Patrick Buisson est en outre poursuivi pour abus de biens sociaux, ainsi que pour le détournement de 1,4 million de fonds publics autour de marges de 65,7 à 71% sur la revente de sondages. Claude Guéant et Emmanuelle Mignon sont mis en cause dans ce volet pour négligence.