Pas de blanc-seing jusqu'à l'été : le Sénat dominé par l'opposition de droite s'apprête à introduire le 28 octobre une «clause de revoyure» dans le projet de loi incluant le pass sanitaire, qui imposerait au gouvernement de repasser devant le Parlement avant fin février.
Il n'est pas question de donner un blanc-seing jusqu'au 31 juillet 2022, il faut que ça soit sous le contrôle du Parlement.
Présenté par le gouvernement comme une «boîte à outils», le texte vise à prolonger au-delà du 15 novembre la possibilité de recourir au pass sanitaire, ainsi qu'une batterie de mesures pour freiner l'épidémie de Covid-19, dans le cadre d'un régime post-crise jusqu'au 31 juillet 2022.
Adopté en première lecture la semaine dernière à l'Assemblée nationale à l'issue de débats agités, le texte arrive le 28 octobre dans l'hémicycle du Sénat pour qui, souligne son président LR Gérard Larcher, «il n'est pas question de donner un blanc-seing jusqu'au 31 juillet 2022, il faut que ça soit sous le contrôle du Parlement».
Les sénateurs ont réécrit le texte en commission et ont adopté la proposition du rapporteur Philippe Bas (LR) de prolonger les dispositions jusqu'au 28 février seulement. A charge au gouvernement de revenir devant le Parlement pour poursuivre au-delà, si la situation sanitaire l'exigeait. Le rapporteur considère que «trois mois et demi ça va, huit mois et demi c'est trop». Un état d'esprit globalement partagé par les sénateurs.
«Le gouvernement nous dit "on va enjamber les présidentielles et on repassera devant le Parlement". Non. On donne au gouvernement un certain nombre de pouvoirs sur nos libertés, on veut le contrôle du Parlement», affirme le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau.
«C'est un marqueur du Sénat», assure le président du groupe centriste Hervé Marseille, qui souligne les inconnues de l'après-élections : «quel président ? quels ministres ? quelle majorité ?». A gauche, le patron des sénateurs PS Patrick Kanner reproche aussi à l'exécutif «sa logique de concentration du pouvoir».
Un traitement différencié pour le pass sanitaire introduit par le Sénat
En revanche, la question du pass sanitaire fait débat. Le rapporteur propose qu'on ne puisse plus y avoir recours dans les départements qui auront, au 15 novembre, plus de 75% de leur population vaccinée (soit à peu près 90% des plus de 12 ans).
Cette proposition «a été ressentie de façon nuancée par la majorité sénatoriale», selon Hervé Marseille. La majorité compte dans ses rangs des «anti-pass» affirmés, tel le centriste Loïc Hervé.
«Là où on est bien protégés, n'appliquons pas des contraintes disproportionnées», a défendu Philippe Bas le 28 octobre sur Public Sénat, plaidant en outre pour une application pratique du pass «un peu à géométrie variable» dans les départements où il serait maintenu : obligatoire à l'entrée des cafés et restaurants, «pas utile» dans les cinémas, théâtres et concerts «où vous pouvez garder le masque».
«Il faut commencer à envisager les conditions pour en sortir», abonde Bruno Retailleau. A gauche, les socialistes proposeront d'aller plus loin, estimant que le pass sanitaire «n'a plus de raison d'être en métropole», selon Marie-Pierre de La Gontrie.
Le ministre de la Santé Olivier Véran estime, lui, ne pas avoir «suffisamment de recul à ce stade» pour se priver d'un outil qui est, selon lui, «fonctionnel», et «très bien accepté par les gens». «Ce qui ne veut pas dire qu'on veut le maintenir dans la durée», a-t-il déclaré le 26 octobre devant les sénateurs.
«La question n’est pas de savoir ce que pense tel ou tel, mais est-ce qu’aujourd’hui nous maîtrisons totalement le virus. La réponse est non», a taclé le 27 octobre Christophe Castaner, patron des députés En Marche.
Le Sénat devrait par ailleurs supprimer la disposition controversée introduite par voie d'amendement à l'Assemblée nationale et permettant aux directeurs d'établissement scolaire de connaître le statut vaccinal des élèves. Une fois le texte voté au Sénat, avec ses modifications, députés et sénateurs tenteront de s'accorder sur une version commune en commission mixte paritaire. En cas d'échec, l'Assemblée nationale aura le dernier mot.