France

Ferrand, Dupond-Moretti, Darmanin... Alain Griset, un nouveau ministre face à la justice sous Macron

Le nouveau monde macronien est lui aussi pris dans des tempêtes judiciaires. Prochainement, c'est le ministre délégué aux PME, Alain Griset, qui sera jugé devant le tribunal correctionnel pour omission de déclaration de patrimoine.

Le renouvellement politique voulu par Emmanuel Macron ne l'empêche pas, comme ses prédécesseurs, de voir certains de ses proches ou membres de son gouvernement confrontés à des déboires judiciaires. Alors que l'affaire de son ancien conseiller Alexandre Benalla suit son cours, le président de la République voit également son gouvernement affaibli par certaines affaires. C'est cette fois le ministre délégué aux PME, Alain Griset, qui est visé par la justice. 

D'après une information de l'AFP du 29 juillet, un an après son entrée au gouvernement pour gérer l'impact de la crise sanitaire sur les PME, Alain Griset est ainsi renvoyé le 22 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris, une décision rarissime pour un ministre en exercice, pour des déclarations de patrimoine et d'intérêts incomplètes. En effet, parmi la demi-douzaine de membres du gouvernement aux prises avec des enquêtes judiciaires, Alain Griset, 68 ans, est le premier à être convoqué devant un tribunal correctionnel. Cette décision pourrait mettre en cause son avenir au sein de l'exécutif.

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), auprès de laquelle les membres du gouvernement doivent déclarer leur patrimoine, avait annoncé saisir la justice dès le 24 novembre contre Alain Griset, celui-ci ayant omis de déclarer «des participations financières détenues dans un plan d'épargne en actions (PEA), ainsi que le compte espèces associé, pour un montant total de 171 000 euros». 

Les fonds concernés, selon une source proche du dossier, proviennent du bureau de la Confédération nationale de l'artisanat des métiers et des services (CNAMS) du Nord, qui avait confié en 2019 quelque 130 000 euros à Alain Griset, son président d'alors, pour qu'il les place sur son PEA.

«Alain Griset a dit à la Haute autorité qu'il avait l'accord de la CNAMS, pour qu'il puisse faire fructifier cette somme, mais alors on est dans la confusion des patrimoines, ce qui n'est pas conforme à la loi», avait relevé le président de la HATVP Didier Migaud, interrogé par l'AFP.

Cette omission avait pour but «d'empêcher la révélation de faits susceptibles de recevoir la qualification pénale d'abus de confiance», avait estimé la HATVP au sujet de l'origine des fonds.

Tracfin, la cellule anti-blanchiment de Bercy, là même où exerce le ministre, avait effectué en parallèle un signalement au parquet de Lille qui avait ouvert une enquête pour «abus de confiance», toujours en cours. Début février, le logement de fonction à Bercy d'Alain Griset avait été perquisitionné.

D'éventuelles prises illégales d'intérêt épinglées

L'annonce du procès contre le ministre des PME intervient deux semaines après celle des poursuites engagées le 16 juillet contre Eric Dupond-Moretti, mis en examen par des magistrats de la Cour de justice de la République (CJR) pour «prise illégale d'intérêts».

Le garde des Sceaux est soupçonné d'avoir profité de sa fonction de ministre pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat, ce qu'il réfute.

La HATVP a également révélé le 20 juillet que la ministre de la Culture Roselyne Bachelot «a omis de mentionner dans sa déclaration d’intérêts une partie des rémunérations perçues de la SARL RBN Conseil, société qu’elle détient à 100%, au titre des revenus 2017, 2018 et 2019», de même qu'elle a «omis de déclarer certains droits d’auteur au titre des mêmes années». 

Comme pour Eric Dupond-Moretti, la HATVP a estimé que la nature de ces omissions n'était pas «de caractère intentionnel ou substantiel au regard» du patrimoine de la ministre.

A peine nommé ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand avait quant à lui été pointé du doigt le 24 mai 2017 par Le Canard enchaîné, qui révélait qu'en 2011, les Mutuelles de Bretagne qu'il dirigeait alors avaient loué des locaux commerciaux appartenant à sa compagne.

Il avait quitté le gouvernement le 19 juin 2017 pour être remplacé par François de Rugy à la présidence de l'Assemblée nationale en septembre 2018. Mis en examen pour «prise illégale d'intérêts» en septembre 2019, il s'est vu reconnaître le 31 mars 2021 la prescription des faits, mais cette décision n'est pas définitive.

Durant ce quinquennat, les ministres Olivier Dussopt et Sébastien Lecornu font aussi l'objet d'enquêtes préliminaires à Paris.

Pour le premier, secrétaire d’Etat à la Fonction publique, celui-ci est visé par une enquête du Parquet national financier (PNF) pour «corruption» et «prise illégale d'intérêts» pour avoir reçu en 2017 deux lithographies en cadeau d'une entreprise, alors qu'il était député-maire d'Annonay (Ardèche).

Pour le deuxième, chargé des Outre-mer, le PNF enquête aussi depuis mars 2019 sur des soupçons de «prise illégale d'intérêts», pour ses activités passées à la tête du département de l'Eure et au conseil d'administration d'une société autoroutière.

Gérald Darmanin, des accusations de viol qui s'éternisent

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est pour sa part visé par une enquête pour «viol». Accusé d'abus de faiblesse par une habitante de Tourcoing (Nord) qui affirmait avoir été contrainte à des relations sexuelles en échange d'un logement et d'un emploi, Gérald Darmanin bénéficie d'un classement sans suite de l'affaire en 2018.

Accusé par une autre femme d'un viol intervenu en 2009, au moment où il était responsable UMP intermédiaire, Gérald Darmanin bénéficie aussi de classements sans suite en 2017 et 2018, mais la plaignante obtient la relance des investigations en juin 2020. Le ministre, placé sous le statut de témoin assisté, a été confronté à son accusatrice en mars 2021.

Quand les affaires judiciaires ont conduit à des démissions

En outre, plusieurs membres du gouvernement ont démissionné depuis 2017 avant même une mise en examen ou la perspective d'un procès : le dernier départ en date est celui de Jean-Paul Delevoye, le «Monsieur retraites», contraint de renoncer à son poste en décembre 2019 en plein conflit sur cette réforme phare. Le haut-commissaire avait reconnu ne pas avoir mentionné plusieurs activités parallèles dans sa déclaration d'intérêts transmise à la HATVP. Il fait l'objet d'une enquête pour «abus de confiance», «abus de biens sociaux» et recels. 

Sous la présidence d'Emmanuel Macron, ce sont davantage les alliés du Modem qui ont suivi la règle : «poursuites judiciaires = démission».

Ainsi, le 9 juin 2017, le parquet de Paris ouvre une enquête visant le Modem, présidé par François Bayrou, sur des soupçons d'emplois fictifs.

La justice soupçonne alors des collaborateurs d'eurodéputés Modem, notamment Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard, d'avoir été rémunérés via des fonds du Parlement européen alors qu'ils étaient affectés à d'autres tâches pour le parti centriste.

Le 21 juin, Sylvie Goulard, devenue ministre des Armées, quitte le gouvernement, suivie de François Bayrou (Justice) et de Marielle de Sarnez (Affaires européennes).

Fin 2019, Sylvie Goulard et Marielle de Sarnez (décédée en janvier 2021) sont mises en examen pour «détournement de fonds publics» et François Bayrou pour «complicité» de ce délit.

Enfin, la CJR mène une instruction depuis juillet 2020 concernant l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn et son successeur Olivier Véran, pour leur gestion du Covid-19.