France

L'Assemblée nationale vote l'extension du pass sanitaire et l'obligation vaccinale des soignants

L'Assemblée nationale a adopté ce 23 juillet en première lecture le nouveau projet de loi anti-Covid qui prévoit l'extension controversée du pass sanitaire et l'obligation vaccinale pour les soignants au bout d'une nuit marquée par d'âpres débats.

Les députés ont voté dans la nuit du 22 au 23 juillet le controversé pass sanitaire, l'une des mesures phares du nouveau projet de loi anti-Covid dont l'examen a joué les prolongations. 

Peu avant 0h40, les députés ont adopté par 132 voix contre 106 l'article 1 du projet de loi gestion de la crise sanitaire qui étend le champ d'application de cet outil présenté par le gouvernement comme la meilleure arme face au rebond de l'épidémie du Covid-19.

Les débats qui se sont achevés vers 5h40 furent âpres et rugueux, avec des oppositions chauffées à blanc par un calendrier contraint. Près de 1 200 amendements ont été passés en revue depuis l'après-midi du 21 juillet.

Une «brutalité» et une «monstruosité» selon l'opposition

Les passes d'armes entre le gouvernement et les oppositions se sont poursuivies pendant toute la soirée du 22 juillet avec comme point d'orgue une disposition de ce neuvième texte «Covid» depuis mars 2020, ouvrant la voie à un licenciement pour des travailleurs d'établissement recevant du public qui refuseraient d'obtenir un pass sanitaire (parcours vaccinal complet ou test récent).

Un amendement du gouvernement avec l'objectif affiché d'adoucir cette disposition polémique n'a pas convaincu gauche et droite qui ont dénoncé une «brutalité» voire une «monstruosité». «L'esprit n'est pas de renvoyer les gens mais d’encourager à la vaccination», a justifié le ministre de la Santé Olivier Véran. 

Contre l'avis de l'exécutif et dans un scrutin serré, les députés s'étaient opposés dans l'après-midi au pass sanitaire pour l'ensemble des patients et visiteurs dans les hôpitaux et maisons de retraite. Le gouvernement est revenu sur ces amendements avec un nouveau vote qui a notamment remis l’obligation du passe sanitaire pour les patients non urgents ou les visiteurs dans les établissements de santé et les maisons de retraite.

Le groupe socialiste a également fait adopter peu avant minuit un amendement supprimant la peine sanctionnant l’utilisation frauduleuse du pass sanitaire de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Très pressé, le gouvernement veut faire adopter le pass sanitaire encore élargi et la vaccination obligatoire pour certaines professions d'ici à la fin du week-end du 25 juillet, après quatre jours de débat parlementaire. «Il y a une urgence à légiférer», a ainsi déclaré Olivier Véran.

Une opposition y compris au sein de la majorité

Mais dans un hémicycle où malgré l'heure tardive les bancs sont restés garnis, les discussions patinent. A l'inflexibilité du gouvernement, le regard fixé sur les courbes des contaminations, répond la pugnacité des oppositions qui défendent pied à pied leurs amendements.  

La majorité fait bloc mais des voix dissonantes se font entendre comme celles des marcheurs Pacôme Rupin ou Stella Dupont. Le 20 juillet, le député de Paris en charge de la coordination du groupe parlementaire LREM à la Commission des Lois avait estimé que le pass sanitaire allait «fracturer notre pays», et qu'il s'agissait d'une «atteinte majeure à la liberté d'aller et venir, à la liberté de conscience, au droit de refus de se soumettre à un traitement, à la vie privée et aux données personnelles de santé».

«Les mesures doivent s’accompagner de souplesse, de solidarité», a quant à elle déclaré la députée LREM le 22 juillet.

Le groupe Les Républicains – qui s'est majoritairement abstenu – n'a pas souhaité donner de «blanc-seing» et a mis en garde contre la volonté de mettre le «pays sous cloche» en regrettant que les débats n'aient pas permis de «lever les ambiguïtés» sur un pass sanitaire assimilable à «un passeport du quotidien», selon le député Philippe Gosselin.  

La session d'examen «fut une vaste blague», a estimé la socialiste Lamia El Aaraje. Celle-ci a plaidé en vain pour la vaccination obligatoire, tout en taclant le «retard permanent» du gouvernement. PS, LFI et PC ont voté contre le texte.  

Le pass sanitaire au cœur des critiques

Si l'obligation vaccinale étendue aux soignants, sapeurs-pompiers ou encore professionnels auprès des personnes âgées fait à peu près consensus, ce n'est pas le cas de l'extension du pass sanitaire, prévue pour début août dans les cafés-restaurants, objet de vives critiques de part et d'autre de l'hémicycle.

«Nous avons deux choix : réussir le pass, vite, très vite [...] ou nous exposer au risque de devoir reconfiner notre pays», a justifié Olivier Véran devant la Commission des Lois du Sénat. «Les chiffres d'aujourd'hui ne sont pas bons», a poursuivi le ministre de la Santé. Près de 22 000 nouveaux cas ont été recensés en 24 heures, selon les chiffres de Santé publique France publiés dans la soirée du 22 juillet, au plus haut depuis le 5 mai.

Devant les sénateurs le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy a déclaré craindre «une situation complexe, très complexe» dans les hôpitaux fin août.

En Martinique où la population est très peu vaccinée, les autorités sanitaires redoutent une «déferlante» dans les hôpitaux. Pour la Guadeloupe, où la situation est très dégradée, l'Assemblée a voté un amendement gouvernemental visant à réinstaurer l'état d'urgence sanitaire. Celui-ci devrait être mis en œuvre par décret d'ici la promulgation de la loi. 

De nouvelles mesures comme le retour au masque obligatoire en extérieur ont été prises pour des communes du Var, de Meurthe-et-Moselle, de l'Hérault et de Vendée. Dans les Pyrénées-Orientales, le port du masque sera même obligatoire à partir du 24 juillet dans les lieux assujettis à un pass sanitaire. 

Le taux d'incidence progresse surtout chez les 12-17 ans et les 18-29 ans, deux tranches d'âge où le nombre de vaccinés reste très faible. L'exécutif prévoit des campagnes de vaccination spécifiques pour les jeunes, notamment dans les établissements scolaires à la rentrée.