C'est une petite victoire pour les détracteurs de la Proposition de loi relative à la sécurité globale, même si ce point était loin d'être le seul qu'ils dénonçaient. Ce 20 mai, le Conseil constitutionnel a notamment censuré l'article 24 du projet de loi qui visait à sanctionner la «provocation à l'identification» des forces de l'ordre.
Le Conseil a estimé, dans sa décision, que les «éléments constitutifs de l'infraction contestée» n'avaient pas été suffisamment définis et, dès lors, que l'article «[méconnaissait] le principe de la légalité des délits et des peines [...] qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789». Et de préciser que le législateur avait en effet «l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire».
L'article 24, devenu article 52 une fois la loi adoptée par le Parlement le 15 avril, avait suscité une farouche opposition et provoqué des manifestations en novembre et décembre 2020.
L'institution a également annoncé sur son site avoir censuré «totalement ou partiellement sept» autres articles et émis des réserves sur quatre autres.
Parmi les censurés, l'article 48 «permettant aux forces de sécurité intérieure et à certains services de secours de procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras», notamment celles qui sont embarquées dans les véhicules des forces de l'ordre. «[Le Conseil] a jugé que le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée», est-il précisé dans la décision.
Dans la même veine et avec la même conclusion, le Conseil a censuré «l’article 41 autorisant le placement sous vidéosurveillance des personnes retenues dans les chambres d’isolement des centres de rétention administrative et de celles en garde à vue, sous certaines conditions et pour certaines finalités».
Censure de l’extension des pouvoirs de la police municipale
En outre, l'article Ier est lui aussi passé sous les fourches caudines du Conseil. Il aurait permis, «à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, aux agents de police municipale et gardes champêtres de certaines communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre d’exercer des attributions de police judiciaire en matière délictuelle».
Sauf que le Conseil a estimé qu'«en confiant des pouvoirs aussi étendus aux agents de police municipale et gardes champêtres, sans les mettre à disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes, le législateur a méconnu l’article 66 de la Constitution», qui dispose que «la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire». «Cette exigence ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d’enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes», ajoute-t-il.
Autre camouflet de taille pour le gouvernement, le Conseil Constitutionnel a également censuré une large partie de l'article qui organisait l'utilisation des drones par les forces de l'ordre, notamment lors de manifestations. Comme l'ex-article 24, cette disposition avait suscité l'ire des défenseurs des libertés publiques.
Réagissant à ces décisions sur Twitter, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a proposé «d'améliorer les dispositions» retoquées, se félicitant par ailleurs des dispositions validées.