Cinq personnes ont été placées en garde à vue dans l'enquête sur l'attaque menée dans l'entrée d'un commissariat à Rambouillet le 23 avril, près de Paris, où un Tunisien de 36 ans, Jamel G., a tué une fonctionnaire de police de coups de couteau à la gorge avant d'être abattu. L'habitation du logeur, située dans le Val-de-Marne, et le domicile de l'assaillant ont été perquisitionnés.
Il est 14h20 quand un homme pénètre dans le sas sécurisé du commissariat de Rambouillet, situé dans une zone résidentielle de la commune cossue des Yvelines, à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Paris. «L'auteur des faits s'est rapidement engouffré derrière la victime. Il l'a alors enserrée avec un bras et plaquée contre la vitre du sas tout en lui portant deux coups de couteau, l'un à l'abdomen, l'autre à la gorge», a précisé le procureur antiterroriste Jean-François Ricard lors d'une conférence de presse le 25 avril. Il a également confirmé que l'homme avait crié «Allah Akbar».
Selon le procureur antiterroriste : «Avant de passer à l'acte, [l'assaillant] a consulté sur son téléphone portable des vidéos de chants religieux glorifiant les martyrs et le djihad.»
La victime, grièvement blessée à la carotide, est morte de ses blessures sur place, malgré l'intervention des pompiers. Agée de 49 ans, Stéphanie M. était une agente administrative du secrétariat, donc une fonctionnaire non armée. Elle travaillait depuis 28 ans «sur Rambouillet», a indiqué une source policière à l'AFP. Elle était mère de deux enfants, âgés de 13 et 18 ans.
Qui était l'assaillant ?
L'auteur de l'attaque, touché par les tirs d'un policier présent, est décédé sur place. Selon les papiers d'identité retrouvés sur lui, Jamel G. était un ressortissant tunisien de 36 ans. Originaire de la région de Sousse, dans l'est de la Tunisie, il était arrivé en France en 2009 et avait bénéficié en 2019 d'une autorisation exceptionnelle de séjour salarié, puis d'une carte de séjour en décembre 2020, valable jusqu'en décembre 2021, selon le parquet national antiterroriste. Il occupait un emploi de chauffeur-livreur.
Il était inconnu des services de police et de renseignements, ont confirmé plusieurs sources policières à l'AFP. Selon une source proche de l'enquête, il vivait depuis quelques années dans une maison excentrée de Rambouillet et avait résidé auparavant dans le Val-de-Marne. L'un de ses anciens voisins, interrogé par l'AFP, qui l'a connu à cette adresse deux mois en 2017, se souvient d’un homme «musulman» mais «pas pratiquant», vivant seul et travaillant dans le bâtiment.
D'après Jean-François Ricard, l'assaillant souffrait de «troubles du comportement» et s'était rapproché d'un «islam rigoriste». Son état n'a néanmoins nécessité «ni hospitalisation ni traitement», selon le procureur antiterroriste.
Sur les réseaux sociaux se dessine le profil d'un trentenaire aimant les activités de plein air. Pendant plusieurs années, ses posts publics sont consacrés en nombre à la dénonciation de l'islamophobie ou des propos de personnalités comme Eric Zemmour.
Mais à partir d'avril 2020, au moment du confinement, il ne publie plus que de pieuses prières et des versets coraniques. Le 24 octobre 2020, huit jours après l'assassinat du professeur de collège Samuel Paty par un islamiste, il change sa photo de profil et rejoint une campagne intitulée «Respectez Mohamed prophète de Dieu».
Où en est l'enquête ?
Après une évaluation, le parquet national antiterroriste (Pnat) a ouvert une enquête pour «assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste». Cinq personnes sont actuellement en garde-à-vue, dont le père de l'assaillant ainsi que son cousin.
Le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard, a expliqué que cette saisine s'appuyait sur le mode opératoire, une attaque à l'arme blanche, la qualité de la victime – une fonctionnaire de police prise pour cible, conformément aux mots d'ordre récurrents du groupe djihadiste Etat islamique (EI) –, ainsi que sur les «propos tenus par l'auteur lors de la réalisation des faits». L'homme aurait effectué un «repérage», accréditant la préméditation, avant de s'en prendre à la victime, selon le procureur antiterroriste.
L'enquête a été confiée conjointement à la Direction centrale de la police judiciaire et à la Direction générale de la sécurité intérieure. Les enquêteurs sont par ailleurs en train d’analyser tous les supports numériques de l’assassin.