La polémique sur les réunions non-mixtes de l'Unef a animé les débats du 1er avril au soir au Sénat, où un amendement des Républicains a été adopté au projet de loi dit sur les «séparatismes». L'amendement vise à permettre la dissolution d'associations interdisant la participation d'une personne à une réunion en raison de sa couleur ou de son origine. Elle entend combler par là même un «vide juridique» qui préexistait quant aux conditions de dissolution d'une organisation dans le droit français, selon Stéphane Le Rudulier (LR).
Selon cet amendement voté par le Sénat, le gouvernement pourrait décider, par décret, de la dissolution d'une organisation, lors d'un conseil des ministres.
En ligne de mire : l'Unef. Le syndicat étudiant de gauche est au cœur d'une polémique politique liée à l'organisation de réunions non-mixtes «racisées», réservées aux «non-blancs» dans le but «permettre aux personnes qui sont effectivement touchées par le racisme de pouvoir exprimer ce qu'elles subissent».
Le texte vise les associations «qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion». Il a été soutenu par la plupart des tendances du Sénat même si certains, à l'image du chef de file des sénateurs PS, Patrick Kanner, se sont opposés à la mention explicite de l'organisation étudiante dans l’exposé des motifs de l’amendement qui cible les «associations racistes et dangereuses pour l’intérêt général» et les réunions «interdites aux blancs organisées par l’UNEF».
Marlène Schiappa exprime des doutes sur la constitutionnalité du texte
A l'occasion de ce débat, la ministre chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa a tenu à «redire très clairement [son] opposition personnelle et l'opposition du gouvernement à ce type de réunions». La ministre a cependant émis un avis de «sagesse» à l'amendement, tout en exprimant des doutes sur sa constitutionnalité car il pourrait, selon elle, permettre de porter atteinte à la liberté d’association pour des motifs autres que ceux liés strictement à la préservation de l’ordre public.
A gauche, Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste) a pris la défense de l'Unef, en expliquant que ces réunions étaient «des groupes de parole». «A des moments donnés, il y a besoin de se retrouver entre personnes qui vivent les mêmes choses, pour construire une pensée commune, une pensée collective qui est loin de comportements racistes», a-t-elle plaidé.
«C’est le procès des victimes, ici ! Des gens se réunissent pour parler de leur vécu et ça ne vous pose pas question ?», s'est indignée Sophie Taillé-Polian (groupe écologiste), pour qui «la question qu'on devrait se poser, c'est comment on fait en sorte que ces réunions n'aient plus besoin d'exister». «Faut-il aussi dissoudre les loges [maçonniques] féminines du Grand Orient, qui ont été créées parce que les loges masculines ne voulaient pas d’elles ?», a renchéri Esther Benbassa (écologiste).
Pour sa part, Jean-Pierre Sueur (PS) a affirmé : «Toute séparation, toute discrimination, toute ségrégation, quelle que soit la circonstance, liée à la couleur de la peau, est inacceptable.»
Cet amendement pourrait toutefois ne pas figurer dans le texte final : après son vote au Sénat, celui-ci sera traité en deuxième lecture par l'Assemblée, qui est elle dominée par la majorité présidentielle.