«Ultime liberté» contre risque de «dérive» : les députés ont approuvé le 31 mars en commission un droit à l'euthanasie pour les personnes en fin de vie souffrant d'une pathologie incurable, au terme d'un débat très clivé sur ce sujet attendu dans l'hémicycle le 8 avril.
Une proposition de loi «donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie» du député Olivier Falorni (groupe Libertés et territoires) a été approuvée dans la soirée en commission des Affaires sociales, après plus de six heures d'échanges intenses.
Les clivages ont divisé la plupart des groupes politiques, qui ont laissé leurs membres s'exprimer en conscience sur un thème «grave et sensible», selon l'expression de la présidente de la commission, Fadila Khattabi (LREM).
De nombreux orateurs ont toutefois salué un débat «digne» et «respectueux» des opinions de chacun, malgré des divergences profondes. Le texte doit maintenant venir en première lecture en séance plénière à l'Assemblée nationale le 8 avril, journée réservée à des textes du groupe d'opposition d'Olivier Falorni.
Le député de la Charente-Maritime, ancien socialiste, a reconnu que sa proposition abordait des «questions existentielles». Ouvrir le droit à une mort médicalement assistée permettrait selon lui de sortir de l'«hypocrisie» de laisser les personnes partir en «exil» en Belgique ou en Suisse pour y avoir recours, ou fermer les yeux sur les «2 000 à 4 000» euthanasies clandestines qui seraient pratiquées chaque année en France.
L'article 1er de sa proposition prévoit que «toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable», peut demander une «assistance médicalisée» pour mourir «par une aide active».
Liberté de conscience
D'autres dispositions prévoient notamment une liberté de conscience pour les médecins, apportent des garanties sur le consentement des malades, ou encadrent l'assistance médicalisée et la place des familles.
Parmi les soutiens du député Falorni, Marie-Noëlle Battistel (PS) a souligné le «consensus social et transpartisan» pour ouvrir un droit à l'euthanasie. A droite, Maxime Minot (LR) a estimé qu'il était «grand temps que la France avance sur ce sujet». Tous ont salué les avancées permises par la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui autorise la «sédation profonde et continue jusqu'au décès» pour des personnes dont le pronostic vital est engagé «à court terme», sans aller jusqu'à une euthanasie active. Tous ont aussi déploré la mauvaise application de cette loi, notamment un manque de services de soins palliatifs.
Les adversaires de la proposition ont longuement plaidé pour que cette loi Claeys-Leonetti bénéficie de plus de moyens, plutôt que d'ouvrir un droit au «suicide assisté». «La loi actuelle doit être mieux connue, appliquée et respectée», a plaidé Valérie Six (UDI). «Aller plus loin me semble dangereux», a renchéri Caroline Janvier (LREM). Marc Delatte (LREM) a mis en avant ses «trente ans comme médecin de famille» pour s'inquiéter de risques de «dérive éthique». Christine Cloarec-Le Nabour (LREM), indécise au début du débat, a avoué avoir finalement «évolué» en faveur du texte.
Le gouvernement, qui n'était pas représenté lors des débats en commission, s'est montré récemment peu enclin à légiférer. La séance du 8 avril pourrait l'amener à exposer plus ouvertement sa position. Devant le Sénat début mars sur un texte PS comparable, le ministre de la Santé Olivier Véran avait argué que «cinq ans après la loi Claeys-Leonetti, le principal enjeu n'est pas tant de la faire évoluer que de la faire connaître».
Le président Emmanuel Macron n'avait pas pris d'engagement sur ce thème lors de son élection, appelant simplement à «d'abord faire pleinement appliquer la loi Claeys-Leonetti». Toutefois, il avait glissé : «Moi, je souhaite choisir ma fin de vie.» Dans la majorité, Jean-Louis Touraine (LREM, ex-député PS) a déposé en janvier un autre texte en faveur d'une «aide médicalisée active à mourir» pour les personnes gravement malades et en fin de vie.