Le 29 janvier 2021, le Parlement portugais a adopté à une large majorité une loi autorisant la «mort médicalement assistée», qui fera de ce pays très majoritairement catholique le quatrième dans l'Union européenne – après la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg – à autoriser l'euthanasie quand elle entrera en vigueur.
Cette loi, qui fusionne différentes propositions, prévoit que seuls les Portugais majeurs, résidant dans le pays et se trouvant «dans une situation de souffrance extrême, présentant des lésions irréversibles» ou atteints «d'une maladie incurable», pourront avoir recours au suicide assisté.
La demande du malade en fin de vie devra être validée par plusieurs médecins, ainsi qu'un psychiatre lorsqu'il y aura des doutes sur la capacité de la personne à faire un choix «libre et éclairé». Le moment venu, le médecin du patient devra s'assurer une dernière fois de sa volonté de mettre fin à ses jours, en présence de témoins.
La mort assistée pourra être pratiquée dans des établissements du service national de santé ou tout autre lieu «choisi par le patient», dès lors qu'il disposera «des conditions cliniques et de confort adéquates», précise la loi.
Une légalisation sans surprise
Le texte a été approuvé avec 136 voix pour, 78 contre et 4 abstentions, grâce à une majorité de voix du Parti socialiste qui avait donné une liberté de vote à ses députés, certains élus du Parti social-démocrate (centre droit), parmi lesquels Rui Rio, le leader de l'opposition de droite, le Bloc de gauche (extrême gauche) ou encore le parti animalier PAN.
L'issue de ce vote final, sans public dans les galeries du Parlement en raison des restrictions sanitaires en vigueur dues au Covid-19, semblait acquise dans la mesure où plusieurs textes favorables à l'euthanasie avaient déjà été adoptés en février 2020 par une majorité des députés.
La députée socialiste Isabel Moreira, spécialiste de droit constitutionnel ayant participé à la rédaction finale de la loi, a salué le débat intense ayant conduit à l'adoption d'un texte qui respecte «le libre choix et l'autonomie de chacun».
Après cette adoption par le Parlement, le texte va être envoyé au président conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, qui pourra ensuite promulguer la loi, la soumettre à l'analyse de la Cour constitutionnelle ou y apposer son veto – qui pourrait toutefois être annulé par un second vote des députés. Réélu le 24 janvier pour un second mandat, le chef de l'Etat a jusqu'ici évité de prendre ouvertement position sur le sujet.
L'Eglise catholique indignée
Dans un communiqué de la conférence épiscopale, l'Eglise catholique a aussitôt exprimé son «indignation» devant une loi qui représente selon elle un «recul sans précédent».
Il s'agit de provoquer activement la mort de quelqu'un. Or le rôle de l'Etat est de prendre soin, non pas de tuer
En octobre 2020, le Parlement portugais avait rejeté un projet de référendum sur l'euthanasie, à la suite d'une pétition lancée par la Fédération pour la vie, qui avait recueilli près de 100 000 signatures. «Il s'agit de provoquer activement la mort de quelqu'un. Or le rôle de l'Etat est de prendre soin, non pas de tuer», a fait valoir José Maria Seabra Duque, un des responsables de cette organisation d'inspiration catholique.
«Les médecins ne sont pas des agents de la mort !» a également clamé l'Association des médecins catholiques portugais, qui a appelé le chef de l'Etat à mettre son veto afin que le Portugal ne rejoigne pas «le groupe indigne et minoritaire» des pays qui ont déjà approuvé l'euthanasie. Il s'agit dans l'Union européenne de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas.
L’Espagne voisine a également fait un pas dans cette direction en décembre dernier, mais le projet de loi gouvernemental doit être soumis au Sénat d'ici la fin mars.