France

Allemagne : le parti anti-immigration AfD placé sous surveillance du renseignement intérieur

Le renseignement intérieur allemand surveille désormais le parti populiste anti-immigration AfD pour des atteintes supposées à la démocratie. La formation dénonce quant à elle une manœuvre politique.

Le renseignement intérieur allemand a décidé de placer le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) sous surveillance policière, estimant qu'il avait multiplié les atteintes à l'ordre démocratique, affirment plusieurs médias le 3 mars.

Thomas Haldenwang, président de l'Office de protection de la Constitution, a informé les antennes régionales du renseignement intérieur du classement de la formation parmi les «cas suspects», assurent l'agence de presse DPA et Der Spiegel.

Une force majeure d'opposition 

La décision, prise en fin de semaine dernière, est très sensible à sept mois des élections législatives. Créé en 2013, l'AfD est entré en nombre en 2017 à la chambre des députés et y incarne la première force d'opposition aux conservateurs d'Angela Merkel et aux sociaux-démocrates au pouvoir.

Le parti, qui a bâti son succès sur ses positions contre la politique migratoire de la chancelière, est actuellement déchiré par des querelles internes et en perte de vitesse dans les sondages.

L'office n'a pas rendu sa décision publique en raison d'une procédure de justice en cours, ajoutent les médias allemands, l'AfD ayant porté plainte en amont.

Il a aussi pour cette raison renoncé à ce stade à une surveillance de députés du parti ou de candidats aux élections régionales ou législatives prévues cette année, toujours selon les mêmes sources.

La co-présidente du groupe parlementaire de l'AfD a dénoncé une décision «purement politique». «L'AfD va évidement engager des poursuites en justice» contre cette décision «injustifiée», a réagi Alice Weidel sur son compte twitter.

Son collègue Tino Chrupalla, co-président du parti, a lui qualifié le procédé de l'office de «scandaleux», l'accusant de «lancer des informations dans la presse» alors qu'il n'est pas autorisé à les annoncer et de «désavantager l'AfD dans la compétition démocratique entre les partis».

Pour le président du Conseil central des Juifs en Allemagne Josef Schuster, l'office a «confirmé la menace que représente l'AfD».

Ce parti «contribue à miner nos structures démocratiques [...] avec sa politique destructive», a-t-il estimé, jugeant que la décision était «un pas nécessaire et juste».

L'office se fonde sur un rapport de 1 000 pages des services de renseignement où sont cataloguées «les violations présumées du parti contre l'ordre fondamental libre et démocratique». Les enquêteurs ont rassemblé plusieurs centaines de discours ou déclarations de responsables du parti à tous les niveaux.

Dissensions internes sur fond de lutte contre les mesures sanitaires

Un élément clé serait l'influence de la frange la plus radicale de l'AfD, appelée «L'Aile» et proche des néonazis. Placé aussi sous surveillance l'an passé, ce mouvement s'est officiellement dissous mais ses représentants sont toujours dans le parti.

Le rapport pointe aussi les liens de l'AfD avec certaines organisations radicales telles que le mouvement identitaire ou l'éditeur et idéologue de la Nouvelle droite Götz Kubitschek.

Les dirigeants les moins radicaux du parti ont tenté ces derniers mois d'organiser la contre-attaque en affichant une image plus policée.

Lors d'un congrès en novembre, le co-président Jörg Meuthen, considéré comme un modéré, avait notamment vertement critiqué la proximité affichée par des membres du parti avec les opposants aux restrictions contre le virus et le langage de plus en plus radical employé pour critiquer le gouvernement.

Il faisait référence au président d'honneur de l'AfD Alexander Gauland qui avait accusé l'exécutif d'utiliser «une propagande de guerre» pour imposer «sa dictature corona».