Selon une information révélée par le magazine Capital et confirmée à RT France par Eric Alt, vice-président d'Anticor, des agents de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) – dépendance du ministère de la Justice – ont tenté à deux reprises depuis octobre d’obtenir l’identité du plus gros donateur de l’association anti-corruption. Une information niée dans un premier temps par les service du Premier ministre alors que l'instruction du renouvellement de l'agrément de l'association est actuellement en cours.
Cette instruction en vue d'obtenir l'agrément qui permet à l'association Anticor de saisir la justice dans les affaires de corruption expire le 15 février. Le gouvernement doit statuer sur ce renouvellement d'ici le 10 de ce mois. Si le dossier est instruit par la DACG, la décision finale, discrétionnaire, appartient au Premier ministre en vertu d'un décret de déport qui lui a confié une partie des attributions du ministre de la Justice.
Répondant à Capital le 1er février, le cabinet de Jean Castex affirmait que «le gouvernement n’a jamais réclamé l’identité du plus gros donateur de l’association. C’est impossible au regard du règlement sur la protection des données personnelles. Anticor cherche à installer l’idée que nous menons une chasse aux donateurs, ce qui est totalement faux !» Dès le lendemain le cabinet du Premier ministre était contraint de se dédire. En effet, des courriels consultés par Capital démontrent l'exact contraire de cette première déclaration.
«Je vous prie de bien vouloir nous communiquer l’identité du donateur et les montants versés s’agissant des dons reçus par l’association en 2018 et 2019, supérieurs à 10 000 euros», écrivait par exemple la chef du bureau du droit économique, financier et social de la DACG le 4 novembre 2020 à la présidente d'Anticor, qui a refusé de s'exécuter. Trois mois plus tard, la même expéditrice revenait à la charge en présentant son service comme une «autorité habilitée» à recevoir ces données «nécessaires pour apprécier le caractère désintéressé et indépendant [des] activités [de l’association]».
La présidente d’Anticor Elise Van Beneden s’est fermement opposée à la requête de la DACG. L'association fait valoir que l’exigence du ministère de la Justice n'était pas respectueuse de la loi et du règlement RGPD sur les données personnelles. Un avis confirmé le 2 février par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui a rappelé que le gouvernement n’avait pas le droit de demander à une association l’identité de ses donateurs et adhérents.
Anticor trop proche de LFI selon le gouvernement ?
De plus, Anticor explique avoir promis l'anonymat à son principal mécène, un ancien chef d’entreprise dont l’apport, entre 5 000 et 20 000 euros par an, correspond en moyenne à 7,5% des recettes annuelles d'Anticor, estimées à 250 000 euros.
Devant l'impossibilité de nier ces échanges, le cabinet du Premier ministre, de nouveau contacté par Capital le 2 février, a finalement reconnu l’existence d’une demande de la DACG, «il y a quelques mois». Avant que le Premier ministre ne rende sa décision le 10 février, le gouvernement dit être en train de vérifier des informations concernant «des aspects techniques des dons : la nature, la structure, les montants et la fréquence» ainsi qu'un «point sur les procédures internes de prévention des conflits d’intérêts au sein de l’association».
Anticor accuse le gouvernement de lui mettre des bâtons dans les roues. Sans le dire explicitement, le gouvernement semble pour sa part reprocher à l’association «son instrumentalisation de la justice à des fins partisanes» et sa proximité idéologique avec La France insoumise. C'est ce qu'a déclaré le député LREM Bruno Questel à l’Opinion fin janvier. Le 23 janvier, l’association a remis un «Prix éthique 2021», destiné à récompenser les «comportements vertueux», au député LFI Ugo Bernalicis, pour sa présidence de la commission d’enquête parlementaire sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire.