France

Dans une tribune en ligne, Francis Lalanne exhorte le Parlement et l'armée à destituer Macron

Dans une tribune publiée sur le site FranceSoir, le chanteur incite le Parlement à destituer le chef d'Etat et, en cas d'échec, appelle l'armée à «mettre à pied» les membres de l'exécutif. Un texte qui pourrait lui valoir une condamnation judiciaire.

Francis Lalanne est un chanteur engagé, très engagé. Le 22 janvier 2021, il a pris sa plume pour écrire un long texte intitulé «J'appelle», semblant faire référence au «J'accuse» d'Emile Zola dans L'Aurore

Dans cette tribune publiée sur le site FranceSoir, les premières phrases donnent le ton : «Appel à la mobilisation générale du peuple français contre la tyrannie.» Révolté par les restrictions liées à la pandémie, Francis Lalanne assure que la République est «frappée de caducité ; annulée par l’exercice totalitaire du pouvoir que pratique aujourd’hui l’exécutif». 

Dénonçant le catastrophisme à partir des données officielles publiées chaque jour sur le Covid-19 ou l'état d'urgence sanitaire prorogé au minimum jusqu'au 1er juin, l'écologiste tape fort contre les médias de «propagande» et le conseil scientifique, décrit comme «un organe illégitime et complice des mensonges du gouvernement». Pour lui, «l'Etat-menteur» constitue «un trouble à l'ordre public […] manifestement illicite […] qu’il convient désormais de faire cesser par tous moyens».

Gouvernement «totalitaire», présidentialisme «autoritaire», «coup d'Etat» : le style déclamatoire de Francis Lalanne

L'artiste invoque l'article 68 de la Constitution qui prévoit la destitution du chef de l'Etat par le Parlement constitué en Haute Cour en cas de «manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat». Car pour lui, «dans une large mesure, la crise sanitaire est détournée de son objet à des fins de gouvernement totalitaire». Francis Lalanne estime que «les mesures imposées aux Françaises et aux Français sous prétexte "d’urgence sanitaire" favorisent un présidentialisme sans contrôle, autoritaire, dont le seul but semble être désormais de conserver le pouvoir».

Dans une large mesure, la crise sanitaire est détournée de son objet à des fins de gouvernement totalitaire

Francis Lalanne ne s'arrête pas là et va jusqu'à prôner une intervention des militaires : si son souhait de voir le Parlement destituer le président de la République ne se réalisait pas, il demande ainsi aux «plus hauts dignitaires de l’armée française […] de procéder, au nom du peuple français, à la mise à pied des auteurs du coup d’Etat» – c'est-à-dire, sous la plume de Francis Lalanne, les membres de l'exécutif. L'artiste développe sa vision, appelant notamment l'armée, dans un tel scénario, à faire comparaître les gouvernants renversés «devant un tribunal constitué en Haute Cour». Mais aussi à «veiller à ce que la présidence intérimaire de la France […] soit bien assurée jusqu’en 2022 par l’actuel président du Sénat», en l'occurrence le sénateur Gérard Larcher (Les Républicains). 

Francis Lalanne et FranceSoir face au risque de poursuite judiciaire

Selon le Huffington Post, ce texte peut valoir à Francis Lalanne, mais aussi au directeur de la publication de FranceSoir, Xavier Azalbert, une lourde condamnation en vertu de l'article 413-3 du Code pénal : «Le fait, en vue de nuire à la défense nationale, de provoquer à la désobéissance par quelque moyen que ce soit des militaires ou des assujettis affectés à toute forme du service national est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque la provocation est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.» 

Polémique au sujet de la ligne et de l'identité de FranceSoir

La publication de cette tribune survient dans un contexte de critiques formulées contre la direction de FranceSoir. Le 17 janvier, des anciens journalistes du média, appuyés par le principal syndicat des journalistes SNJ, ont lancé une pétition «pour que France-Soir retrouve son honneur et sa déontologie journalistique». Selon les pétitionnaires, Xavier Azalbert utilise depuis 2019 la marque FranceSoir comme «une tribune purement personnelle sous le titre et le logo de l’ancien grand quotidien national France-Soir». En matière éditoriale et éthique, les pétitionnaires jugent «inadmissible que cette publication via Internet puisse répandre en toute impunité de fausses informations et des thèses complotistes dangereuses pour la société». 

Interrogé par Libération au sujet de cette pétition, Xavier Azalbert avait fait part de sa stupéfaction et estimé que ce texte «port[ait] atteinte à la liberté d’expression».

L'édition papier du journal France-Soir a disparu en 2011. Selon l'AFP, qui cite un ancien collaborateur ne voulant pas voir son nom cité, Xavier Azalbert, devenu patron du site en 2016, a voulu «instaurer un modèle à base de jeux concours et de sponsoring de rubriques», ce qui aurait provoqué la grève, puis le départ en 2019 «des quatre derniers journalistes» du média. Dans une publication de novembre dernier, ce dernier écrivait comprendre «des contributeurs d’une part, et d’autre part des journalistes qui écrivent dans FranceSoir» et relayer «des dépêches AFP comme la plupart des autres médias». Et d'ajouter : «En ce qui concerne les contributeurs, FranceSoir ne diffère pas des autres médias qui ont également des pages dédiées aux contributions extérieures».