Trois fédérations musulmanes ont claqué la porte du Conseil français du culte musulman (CFCM). Elles ont réitéré le 20 janvier leur opposition à ce texte réclamé par Emmanuel Macron, qui risque selon elles de «fragiliser» la confiance à l'égard des musulmans. Promoteur de cette «charte des principes pour l'islam de France», le président du CFCM Mohammed Moussaoui a répliqué le 21 janvier en assurant que ces fédérations dissidentes «risquent d'être rendues toutes responsables de cette situation de division préjudiciable à l'organisation du culte musulman».
«[Leur refus] n'est pas de nature à rassurer nos coreligionnaires sur l'état des instances représentatives du culte musulman», a poursuivi Mohammed Moussaoui dans un communiqué.
Ces fédérations veulent opposer l'exécutif aux musulmans en se disant choqués du combat contre les ingérences étrangères
Interrogé par l'AFP, le ministère de l'Intérieur a par ailleurs rejeté la demande des fédérations dissidentes d'amender le texte. «Ils ont dit qu'ils n'acceptaient pas de la signer en l'état. Dont acte, ils ne sont pas signataires», a fait savoir cette source, excluant toute renégociation.
«Ces fédérations veulent opposer l'exécutif aux musulmans en se disant choqués du combat contre les ingérences étrangères. Ce ne sont donc pas les musulmans qu'ils défendent», a ajouté cette source.
Président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains) a, de son côté, invité les dissidents à «bien réfléchir» à leur décision. «Est-ce qu'ils veulent être à côté, en dehors de ce que nous souhaitons partager tous ensemble ?», s'est-il interrogé.
Le 20 janvier les associations franco-turques CCMTF et CIMG France ainsi que le mouvement tabligh, Foi et Pratique ont dénoncé dans un communiqué «certaines déclarations [contenues dans la charte qui] portent atteinte à l'honneur des musulmans, avec un caractère accusatoire et marginalisant».
L'islam politique, pierre d'achoppement
Selon une source proche du dossier citée par l'AFP, les principaux points de désaccord exprimés par ces fédérations portent sur la définition des «ingérences» étrangères et la définition précise de l'islam politique. Or, cette charte pointe du doigt certaines mouvances : «Les signataires s’engagent [...] à refuser de s’inscrire dans une quelconque démarche faisant la promotion de ce qui est connu sous l’appellation "islam politique" [...] La présente charte désigne les courants politiques et/ou idéologiques appelés communément salafisme (wahhabisme), le Tabligh ainsi que ceux liés à la pensée des Frères musulmans et des courants nationalistes qui s’y rattachent.»
«Afin d'adopter cette charte, nous devons nous reconnaître dans son contenu. Il ne serait pas utile de signer un texte que notre communauté ne peut accepter sereinement», écrivent les trois organisations réfractaires.
Autre point sensible, le JDD du 26 décembre affirme que «les courants d'obédience islamiste ont refusé que soient mentionnés les mots "apostasie" ou son équivalent arabe, "ar-ridda"». Or, ces terme ont bel et bien été inclus dans le paragraphe suivant : «Les signataires s’engagent à ne pas criminaliser un renoncement à l’islam, ni à le qualifier "d’apostasie" (ridda), encore moins de stigmatiser ou d’appeler, de manière directe ou indirecte, à attenter à l’intégrité physique ou morale de celles ou de ceux qui renoncent à une religion.»
Le texte de la charte proscrit en outre «l'ingérence» d'Etats étrangers dans le culte en France et réaffirme la «compatibilité» de la foi musulmane avec la République : «D’un point de vue religieux et éthique les musulmans, qu’ils soient nationaux ou résidents étrangers, sont liés à la France par un pacte. Celui-ci les engage à respecter la cohésion nationale, l’ordre public et les lois de la République», est-il notamment écrit.
Cette charte, paraphée par cinq fédérations du CFCM, avait été saluée le 18 janvier par Emmanuel Macron comme un «engagement net et précis en faveur de la République».