Après les derniers attentats dans la basilique de Notre-Dame de l'Assomption à Nice et à Conflans-Sainte-Honorine, le sondage de l'Ifop pour le Comité laïcité république (CLR) détonne. En effet, d'après l'enquête publiée le 5 novembre, trois chiffres attirent l'attention.
Tout d'abord, 57% des jeunes musulmans considèrent que la charia est plus importante que la loi de la République. Soit une augmentation de 10 points depuis 2016.
Tout aussi préoccupant pour la liberté d'expression et le droit à la caricature, 66% des Français musulmans «s’opposent au droit des enseignants à montrer des caricatures de personnages religieux à leurs élèves». Un chiffre qui tranche par rapport au reste de la population française. «Ce choix éducatif», précise l'IFOP, est effectivement «soutenu massivement par l’ensemble des Français (75%), y compris catholiques (80%)».
Au niveau du principe de la laïcité et de la neutralité pour les agents publics, là aussi les musulmans répondent diamétralement à l'opposé par rapport à la moyenne française. 63% des musulmans soutiennent le port de signes religieux ostensibles pour les agents publics.
Le néolibéralisme, l'absence de politique française avec le monde arabe et la guerre en Irak ont-ils enfanté l'islamisme en France ?
En réponse à cette étude, le conseiller municipal de Dunkerque, membre du Mouvement des citoyens et président de l'association Nation citoyenne Claude Nicolet estime que «ce sondage est le reflet d'une réalité» que les Français vivent dans des quartiers, banlieues et «dans des endroits pas forcément densément peuplés, qui sortent du cliché de lieux sous la coupe des salafistes». «La numérisation de la vie politique, sociale et aussi intellectuelle fait que l'idéologie islamiste se diffuse à grande échelle» assure-t-il.
En somme, selon lui, la France est «confrontée à une véritable stratégie de ses ennemis, les islamistes, qui ont un objectif de conquête» : «Ils veulent faire des gens de confession musulmane une masse de manœuvre au sein de la société française – et globalement dans les sociétés européennes – pour pouvoir faire la promotion de leur idéologie.» Inquiet, Claude Nicolet affirme par ailleurs que les islamistes diffusent une «idéologie» dépassant «le domaine de la religion».
A partir du moment où l'on a abandonné la capacité à intégrer et même à assimiler, on a renoncé à transmettre et donc à faire vivre le sentiment d'appartenance
Mais comment cette idéologie a pu percer en France ? Pour ce défenseur de la République, cet islamisme s'appuie «en partie sur le néolibéralisme» et, par voie de conséquence, «de 30 à 40 ans d'abandon par la France [de ses valeurs]» : «L'idée de nation, de République, tout cela était devenu obsolète. Il fallait s'engager dans la mondialisation heureuse, pensant qu'elle allait apporter le bonheur universel à l'humanité... La France s'est aperçue que c'était une blague et une escroquerie.»
Le chevènementiste constate que les dernières décennies ont ainsi provoqué une «rupture de la transmission» des valeurs françaises. Or, cette transmission aurait dû permettre aux immigrés d'être intégrés dans la communauté nationale : «La nation française n'est constituée que de gens venant du monde entier. A partir du moment où l'on a abandonné la capacité à intégrer et même à assimiler – car la situation désormais exige l'assimilation – on a renoncé à transmettre et donc à faire vivre le sentiment d'appartenance. Les individus sont devenus des consommateurs.»
«Les islamistes, eux, ne font pas cette erreur-là. Ils sont dans la transmission de l'idéologie fascisante», avertit-il, rappelant qu'ils se servent de la «déficience des services sociaux, publics» dans certaines zones sensibles pour atteindre leur but. Les islamistes pallient ces défauts par une aide «efficace» à travers «des mosquées, des soupes populaires, un soutien social, etc.», décrit-il. Des endroits où la République a manqué pour des populations.
N'y a-t-il toutefois pas une petit lueur à l'horizon ? Claude Nicolet a le sentiment qu'Emmanuel Macron, par ses derniers discours, «commence à comprendre un certain nombre de choses» : «Les yeux commencent à s'ouvrir, après près de 300 morts depuis 2012. La réalité s'impose à tous.»
Claude Nicolet souhaite donc une remise en cause totale de la politique intérieure mais aussi de la politique étrangère. Il déplore de fait la quasi inexistence d'une politique arabe de la France depuis des années. «Il faut la remettre à l'ordre du jour car la France a une parole et une histoire», assume-t-il. Claude Nicolet espère finalement que la France reprenne son destin en main, avec une politique internationale «courageuse». Il signale en effet que «la guerre du Golfe en 1991 puis la destruction de l'Irak en 2003 par les Etats-Unis et le Royaume-uni ont fouetté l'intégrisme religieux, faisant émerger Daesh». Cette émergence est directement née de «tous les anciens cadres de l'armée de Saddam Hussein, qui n'ont pas supporté la dissolution de l'armée irakienne et du parti Baas quand les Etats-Unis ont quasi colonisé l'Irak», remarque-t-il.
Bastien Gouly