France

Guerre d'Algérie : pas d'excuses de la France mais des actes d'apaisement

Un rapport sur le travail mémoriel lié à la colonisation de l'Algérie de l'historien Benjamin Stora a été rendu le 20 janvier au président de la République. L'Elysée a précisé qu'elle préparait des «actes symboliques» pour apaiser les mémoires.

Le président français Emmanuel Macron va prendre des «actes symboliques» pour apaiser les mémoires sur la guerre d'Algérie et réconcilier les deux pays mais il ne présentera pas les «excuses» attendues par Alger, a annoncé le 20 janvier la présidence française en réaction à un rapport très attendu de l'historien Benjamin Stora, dont il a la charge depuis juillet.

Celui-ci a ainsi remis le même jour au chef de l'Etat un travail mémoriel lié à la colonisation de l'Algérie.

Pour l'Elysée, l'important est désormais «sortir du non-dit et du déni» sur la guerre d'Algérie (1954-1962) qui continue de diviser des deux côtés de la Méditerranée.

C'est «une démarche de reconnaissance» de la vérité mais «il n'est pas question de repentance [et] de présenter des excuses», a insisté l'Elysée, en s'appuyant sur le rapport qui cite en exemple le précédent des excuses présentées par le Japon à la Corée du Sud et à la Chine au sujet de la Seconde guerre mondiale qui n'ont toutefois pas permis de «réconcilier» ces pays.

Ce sont des choses qui sont très simples, très pratiques, très évidentes mais qui sont autant de contentieux, de problèmes très lourds entre la France et l'Algérie

Ce document de quelque 150 pages, destiné à «dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie», a été rendu public dans la foulée.

«Pour les sociétés française et algérienne, que faire de toutes les traces de guerre qui hantent les mémoires ? Quel statut donner aux souvenirs des uns et des autres ? Quelle interprétation faire de ces silences que les sociétés accumulent pour continuer à vivre ensemble ? Et faut-il tout raconter, tout dévoiler des secrets de la guerre ?», interroge notamment le rapport, notant que «la question de la fidélité de la mémoire, de la représentation de la chose passée n’est pas évidente».

Commission «Mémoire et vérité», ouverture des archives, panthéonisation de Gisèle Halimi...

L'historien a expliqué à l'AFP avoir tenté d'œuvrer à un «décloisonnement des mémoires», souvent multiples et conflictuelles entre rapatriés, soldats du contingent et indépendantistes algériens. 

Il a plaidé pour «des actes, c'est-à-dire ouvrir des archives, identifier des lieux, chercher des disparus, entretenir des cimetières».

«Ce sont des choses qui sont très simples, très pratiques, très évidentes mais qui sont autant de contentieux, de problèmes très lourds entre la France et l'Algérie», a-t-il ajouté.

Dans le rapport, il est ainsi préconisé la création d'une commission «Mémoire et vérité»,  chargée de proposer des «initiatives communes entre la France et l'Algérie sur les questions de mémoire» afin de réconcilier les deux rives de la Méditerranée.

Emmanuel Macron va par ailleurs étudier d'autres propositions du rapport Stora, comme la reconnaissance de l'assassinat par l'armée française de l'avocat et dirigeant nationaliste algérien Ali Boumendjel en 1957 et l'entrée de l'avocate anticolonialiste Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet 2020, au Panthéon qui accueille les héros de l'Histoire de France.

Il s'agit de «regarder l'histoire en face [d'une] façon sereine et apaisée [afin de] construire une mémoire de l'intégration, [d'une] démarche de temps long» et pas forcément de gestes diplomatiques immédiats, a résumé l'Elysée.

«Il y aura des mots [et] des actes [dans] les prochains mois», a assuré la présidence, en précisant que s'ouvrait «une période de consultations».

Premier président français né après cette guerre, Emmanuel Macron affiche sa volonté d'apaiser des relations bilatérales volatiles depuis des décennies entre les deux pays intimement liés par l'histoire, de la conquête et la colonisation de 1830 à la Guerre d'indépendance.

Emmanuel Macron avait toutefois fait couler beaucoup d'encre sur le sujet avant même d'être élu en dénonçant en février 2017 à Alger la colonisation comme «un crime contre l'humanité», des propos vivement rejetés par les rapatriés et des politiques de tous bords mais qu'il «ne regrette pas», a souligné l'Elysée.

Emmanuel Macron participera enfin à trois journées de commémoration hautement symboliques des divisions mémorielles dans le cadre du soixantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie en 1962 : la journée nationale des harkis le 25 septembre, la répression d'une manifestation d'Algériens le 17 octobre 1961 à Paris et les accords d'Evian du 19 mars 1962 qui aboutirent au cessez-le-feu en Algérie, a précisé la présidence.