Selon les informations du journal Le Parisien, les nouvelles recrues policières d'Ile-de-France ne satisferaient plus les conditions d'exigence d'antan. Pour expliquer ce phénomène, le quotidien francilien avance plusieurs hypothèses.
Premièrement les policiers bien notés choisissent des affectations qui les rapprochent de leur département d'origine, plus souvent en province... les moins bien notés n'ayant d'autre choix que de se tourner vers la région parisienne, très consommatrice en nouvelles recrues du fait des demandes fréquentes de mutations vers la province de la part des policiers plus aguerris.
Deuxièmement, les grilles d'évaluation au recrutement auraient été «revues à la baisse ces dernières années» afin d'éviter les erreurs éliminatoires telles que l'oubli d'une signature ou d'une date sur un procès-verbal.
Par ailleurs, un besoin pressant d'effectif se fait sentir depuis la fin du mandat de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République et, si en 2012 un candidat sur 50 était reçu au concours, le ratio était descendu à un sur cinq dès 2013, toujours selon cette même source. Le Parisien précise que 10 fois plus de postes ont été créés dans le même temps, mais pour le même nombre de postulants.
Résultat : la note moyenne des candidats reçus au concours baissent sensiblement chaque année. Elle est ainsi passée de 12,9 à 11,43 entre 2018 et 2019, selon nos confrères.
Formation réduite, comportement et niveau de connaissances inquiétants
Pire, selon cette même enquête, le comportement et le niveau intellectuel des policiers nationaux n'est plus aussi bon non plus : un membre de jury confie que «depuis deux ans», les notes de 7 ou 8/20 suffisent pour entrer dans la police. Une donnée qu'un syndicaliste policier avait déjà admise auprès de RT France en 2018.
Le membre du jury interrogé par Le Parisien précise : «7/20, c'est du niveau collège.[...] Des élèves ayant commis des délits ont même été admis.»
Par ailleurs, un formateur interrogé par le journal francilien souligne : «Une part des stagiaires ne sait pas s'exprimer clairement. Ils perdent facilement leurs moyens et deviennent agressifs dans une discussion car ils n'ont pas le langage suffisant pour argumenter.»
D'autre part la formation, qui était de 12 mois auparavant, a été abaissée à huit mois en juin 2020. Le ministre Darmanin lui-même a reconnu au mois de décembre devant l'Assemblée nationale qu'il s'agissait d'une «erreur fondamentale».
Des formateurs interrogés par Le Parisien déplorent également : «On a même réduit la formation théorique de 12 mois à huit mois, cela permet de gagner une ou deux promotions sur un quinquennat. Ça défie toutes les règles pédagogiques, il n'y a plus de qualité d'apprentissage.»
Un formateur de la police nationale avec plusieurs décennies au compteur interrogé par RT France en juin 2020 pointait aussi le manque d'écoute de la base en la matière de la part des législateurs : «Le problème, je vais vous le dire : quand les élus viennent faire un tour dans nos centres de formation, le milieu est stérilisé autour, on ne peut même pas les approcher. Ils n'ont aucun vrai retour du terrain lors de ces visites. Les sénateurs, s'ils veulent voir comment ça se passe, qu'ils viennent équipés avec nous sur le terrain en anonymes. Comme dans Vis ma vie, vous voyez... Ils se feront copieusement insulter avec nous, comme ça arrive tous les jours. Là, au moins, ce ne sera pas du fictif. [...] Le problème principal, c'est le fonctionnement même de l'administration : un patron de police voit sa prime augmenter lorsque ses gars sont sur le terrain ou quand ils font des formations au tir, mais l'exercice physique du fonctionnaire, le self-défense, la course à pied, les pompes, ça par contre, ça ne fait pas avancer les primes de résultat exceptionnelles. Donc ces entraînements ne sont pas privilégiés.»
Pas de crise de vocation ?
Si l'enquête du Parisien fait valoir qu'il n'y aurait pas de crise vocation, ce n'était toutefois pas le point de vue de l'ancien secrétaire général de l'Unsa-Police, Philippe Capon interrogé par RT france en juin 2018 : «Aujourd'hui, le ministère de l’Intérieur se retrouve même en difficulté pour pouvoir recruter des policiers. Preuve en est, ils ont dû lancer une large campagne publicitaire avec des crédits importants (on parle d’un million d’euros) pour pouvoir faire venir des jeunes dans la police nationale et procéder au recrutement de jeunes policiers. La vocation des jeunes à devenir policiers qui était très importante après les événements de janvier 2015 est très fortement retombée. C’est quand même le signe que ce métier qui était censé attirer présente des contraintes telles que l’intérêt pour les jeunes est de faire un autre métier.»
Les affaires de mauvaise utilisation de la force qui ont défrayé la chronique et écorné l'image de la police du quotidien ou de la gestion du maintien de l'ordre devront-elles être relues à l'aune de ces informations complémentaires ? Quelle part de responsabilité les législateurs, gouvernements successifs et donneurs d'ordre de l'administration assumeront-ils dans cet état de fait actuel ? A suivre...
Antoine Boitel