France

Darmanin suggère aux journalistes de «se rapprocher des autorités» pour couvrir des manifestations

Gérald Darmanin s'est attiré les foudres des professionnels de l'information après avoir déclaré que, lors de la couverture de manifestations, les journalistes devaient au préalable «se rapprocher des autorités» afin d'être «protégés».

Au lendemain des débordements qui ont marqué la manifestation parisienne du 17 novembre contre la loi sur la Sécurité globale – lors de laquelle plusieurs journalistes de terrain ont éprouvé des difficultés dans l'exercice de leur activité – Gérald Darmanin a affirmé que pour être «protégés», les journalistes souhaitant couvrir des manifestations devaient «se rapprocher des autorités».

Comme l'a relevé l'agence d'images Line Press, cette déclaration du ministre de l’Intérieur fait précisément référence à une publication de la veille de l'un de ses journalistes, Clément Lanot, lors de sa couverture de l'événement, vidéo à l'appui.

Malgré ma carte de presse, caméra : un policier me demande d’arrêter de travailler et quitter la zone sous peine de garde à vue

«Un policer menace de m’interpeller. Malgré ma carte de presse, caméra : un policier me demande d’arrêter de travailler et quitter la zone sous peine de garde à vue. J’étais en dehors des tensions à ce moment et identifiable. Ce n’est pas normal», avait-il tweeté. «Ce journaliste ne s'est pas rapproché de la Préfecture de police de Paris contrairement à certains de ses collègues», a ainsi réagi Gérald Darmanin. 

A l'image d'un projet de loi vivement contesté, cette récente intervention du ministre a fait l'objet d'une vague d'indignation chez les professionnels de l'information. «Ils "doivent" mais "sans en avoir l’obligation". Une option obligatoire. Ou une obligation optionnelle ?», a ainsi interrogé le journaliste Marc Rees, rédacteur en chef du média en ligne Next INpact.

«Désormais, le ministre de l'intérieur décide qui peut faire le travail de journaliste ou pas. Carte de presse ou pas. On a basculé les gens, on a basculé dans un régime autoritaire», a de son côté déploré la reporter de terrain Emma Audrey.

«Darmanin déraille sévère, là... un journaliste n’a pas à se rapprocher de la préfecture pour bénéficier de la liberté de la presse : c’est un droit, pas quelque chose qu’on obtient», a pour sa part critiqué l'ancien rédacteur en chef du site de Marianne, Thomas Vampouille.

«Non Gérald Darmanin, nous n'avons pas à "nous rapprocher de la préfecture" pour couvrir une manifestation. On a jamais eu à le faire. Tout simplement parce qu'il n'y a pas d'accréditation à avoir pour faire notre métier librement sur la voie publique en France. En tout cas pas encore», a également tweeté le reporter de Brut Charles Villa.

Ce 19 novembre, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), a également réagi aux propos de Gérald Darmanin, qui révèlent selon lui «une vision clairement attentatoire à la liberté de la presse». «Le ministre de l'intérieur a en tête que les journalistes doivent s'accréditer auprès de la préfecture, une mesure qui n'existe heureusement pas dans le nouveau schéma national de maintien de l'ordre», a souligné Christophe Deloire avant d'écrire dans un autre tweet : «Sur le terrain, les policiers semblent trop souvent mettre en oeuvre la vision de Gérald Darmanin.»

Les récentes positions du ministre de l'Intérieur n'ont par ailleurs pas échappé aux commentateurs humoristiques, à l'instar d'une récente publication du site parodique Le Gorafi, ainsi titrée : «Gérald Darmanin propose d'aider les journalistes en corrigeant tous les articles de presse avant publication.»

Saisie par la Ligue des droits de l'Homme (LDH), l'Organisation des Nations unies (ONU) avait adressé le 12 novembre 2020 au président français Emmanuel Macron un rapport sur la proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale, à l'origine d'une intense contestation au sein du monde de l'information.