Lors de sa conférence de presse le 17 octobre 2020, Jean-François Ricard, procureur du parquet national antiterroriste, a évoqué le déroulé des événements qui ont conduit à l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) dans lequel Samuel Paty, professeur en collège de 47 ans, a perdu la vie. Le procureur a d’abord confirmé que l’enseignant avait bien présenté les caricatures de Charlie Hebdo représentant le prophète de l’islam Mahomet, début octobre, à une classe de 4e, dans le cadre d’un cours d’instruction morale et civique.
Mais après le débat qui s’était tenu au sujet de la liberté d’expression dans l’enceinte de la classe, le père de l’une des élèves publiait sur son compte Facebook un appel à la mobilisation contre l’enseignant «en vue de son exclusion». Selon le procureur, le père de famille avait, à cette occasion, mentionné le numéro de téléphone de l’enseignant.
Toujours selon le magistrat, quelques minutes plus tard, il exhortait ses lecteurs à écrire au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) mais également à l’inspection académique, au ministère de l’Education nationale et au président de la République.
Une tentative de médiation avortée
Le 8 octobre, le lendemain de sa publication, le père de l’élève accompagné d’un second individu se présentaient au collège du Bois-d’Aulne «où ils étaient reçus par la principale de l’établissement». Malgré une tentative de médiation, les deux hommes exigeaient «avec virulence le renvoi du professeur», d’après Jean-François Ricard, sous peine de manifestations.
Le même jour, dans la soirée, le même parent d’élève publiait une vidéo accompagnée d’un texte, toujours sur son compte Facebook, dans laquelle il désignait nommément le professeur, donnait l’adresse du collège et incitait «à dire stop». Dans la foulée, l’individu se présentait au commissariat de police de Conflans-Sainte-Honorine, accompagné de sa fille, afin de déposer plainte pour diffusion d’images pornographiques.
Une enquête était ouverte et le 12 octobre, l’enseignant était à son tour auditionné. Il «contestait énergiquement», selon le procureur, avoir demandé aux élèves musulmans de s’identifier et de sortir de classe, en revanche, il précisait avoir pris soin de prévenir les élèves afin que ceux qui le désiraient puissent ne pas regarder les caricatures dans l’hypothèse où certains auraient pu être heurtés par ces images. L’enseignant avait à son tour déposé plainte pour «diffamation publique».
Le 12 octobre toujours, une seconde vidéo d’une dizaine de minutes était mise en ligne sur YouTube dans laquelle on retrouvait le père de l’élève et sa fille, tous deux interviewés. La vidéo était baptisée : «L’islam et le prophète insultés dans un collège public.» Une tierce personne précisait alors que le «président Macron avait attisé la haine vis-à-vis des musulmans», d’après le procureur, et réclamait lui aussi l’exclusion de l’enseignant. Il s’agissait en fait de l’homme qui avait accompagné le père de l’élève au collège quelques jours auparavant.
La principale du collège faisait elle état d’appels menaçants reçus à la suite de la vidéo mise en ligne par le parent d’élève. Selon elle, le renvoi de l’élève décidé précédemment était motivé par des raisons de comportement et non pas en raison de la réaction à l’étude des caricatures dans une salle de classe. Convoqués le 14 octobre au commissariat, le père et sa fille ne se sont pas présentés d’après Jean-François Ricard.
Le procureur a par ailleurs confirmé l'identité du terroriste. Un russe de 18 ans d'origine tchétchène qui bénéficiait d'un titre de séjour valable jusqu'en 2030.