Selon les informations du Point, Gérald Darmanin aurait récemment recommandé à ses troupes, en l'espèce les directeurs départementaux de la sécurité publique, de lui fournir des résultats en matière de lutte contre les stupéfiants. Selon l'analyse de l'hebdomadaire, le cheval de bataille du nouveau ministre de l'Intérieur, l'amende forfaitaire pour possession de stupéfiants, connaîtrait «un démarrage assez fastidieux».
Une source policière contactée par RT France confirme que «les commissaires mettent actuellement la pression» aux fonctionnaires de police pour produire des quotas d'amende chiffrés par brigades. La pression appliquée par le ministre et évoquée par Le Point aurait donc très rapidement descendu la chaîne de commandement.
La même source policière a évoqué auprès de RT France un cas de pression à la statistique à Lyon, produisant deux e-mails pour le prouver : «Dans le premier message, on voit clairement les objectifs avec des quotas d'amende, ce qui est interdit, et dans le deuxième e-mail, on voit qu'ils ont rétropédalé parce qu'ils savent que les syndicats vont s'en mêler. Ces demandes remontent directement au DCSP [le directeur central de la sécurité publique, Jean-Marie Salanova].»
En effet dans le premier courrier électronique, auquel RT France a eu accès, en date du 14 septembre, on peut lire : «Conformément aux instructions du DCSP relatives à la mise en œuvre de l'amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants [...] chaque chef de brigade [...] veillera à ce qu'une verbalisation soit réalisée par vacation par l'équipage. Pour le GSP [groupe de sécurité de proximité], deux verbalisations par jour, une pour chaque vacation, jour et nuit. Pour la BST [brigade spécialisée de terrain] et le GSPT [Groupe de sécurité de proximité territoriale], une verbalisation par vacation. [...] Un contrôle de l'application de ces instructions sera effectué régulièrement.»
Et dans le deuxième courrier électronique, ultérieur, on peut ainsi lire : «Suite aux remontées des chefs de brigade, je tiens à vous apporter des précisions sur mon courriel [...] Les chiffres annoncés ne sont en aucun cas des objectifs mais un ordre de grandeur, adapté à chaque unité. [...] L'idée de mon message n'est pas de mettre en place un outil d'évaluation des fonctionnaires.»
Alliance : «Les démons de la politique du chiffre ?»
Les grands syndicats du secteur ont réagi promptement en dénonçant cette démarche de la part des patrons de la police nationale. Le géant Alliance a notamment interpellé le ministre sur Twitter : «Les démons de la politique du chiffre ? Notes, instructions avec objectifs par patrouille... Pression des chefaillons ! Alors monsieur le ministre Darmanin : transparence ou exigence de résultats ? Et les gardiens dans tout ça ? Ils subissent.»
Une autre source policière contactée par RT France rappelait justement le 13 septembre les engagements de campagne du candidat Emmanuel Macron auprès des policiers en avril 2017, dans lesquels on retrouvait notamment la promesse suivante : «Renforcer plus encore le lien de confiance avec la population. De nombreux facteurs y contribueront, comme une meilleure valorisation des emplois situés dans les zones difficiles mais aussi une révolution culturelle profonde de la mesure de l'efficacité de vos interventions. La politique du chiffre telle qu'elle persiste aujourd'hui sera abandonnée car elle ne reflète pas réellement votre engagement.»
Réaction ironique de la policière qui nous a rappelé ses engagements : «Macron, c'est bien un mec tiens : des paroles, des paroles et trois ans plus tard, rien du tout !»
A la lumière des récents développements du côté de la place Beauvau, il semblerait même que Gérald Darmanin en revienne à des pratiques plus anciennes dont certains policiers contactés par RT France ne gardent pas un bon souvenir : «Darmanin, son maître c'est Nicolas Sarkozy, on le savait déjà, maintenant on constate le résultat», grince un responsable syndical interrogé ce 18 septembre. Un autre abonde : «C'est un sarkozyste, il gesticule, on en tirera rien de plus... et ce sera pareil avec un autre, tant qu'il n'y aura pas de révolution de toute la filière pénale et judiciaire en symbiose avec la police.»
Antoine Boitel