Affrontements entre bandes rivales à coups de machette, habitants agressés, maisons brûlées, forces de l'ordre et pompiers attaqués : depuis plusieurs jours, l'île de Mayotte est le théâtre de violences récurrentes, qui conduisent ses habitants à en appeler au gouvernement, rapporte l'AFP.
Le samedi 15 août, ces affrontements entre bandes ont fait un mort et quatre blessés graves, ainsi que des dégâts matériels à Mamoudzou, chef-lieu de cette île française de l'océan Indien, et à Koungou. Les jeunes, armés de «coupe-coupes», de cocktails Molotov et de pneus enflammés ont également incendié une case en tôle et semé la terreur parmi la population. Les pompiers appelés en renfort ont été menacés et ont dû rebrousser chemin.
La situation n'est pas nouvelle, depuis des années je fais part de mon inquiétude quant à un risque réel de guerre civile entre communautés
De leur côté, les élus et la préfecture ont condamné «fermement», dans un communiqué commun publié le 16 août, des «actes d'une violence inadmissible et rarement atteinte», qui duraient «depuis trois jours».
Un député LR et un collectif de citoyens tirent la sonnette d'alarme
«La situation n'est pas nouvelle, depuis des années je fais part de mon inquiétude quant à un risque réel de guerre civile entre communautés», a expliqué le député LR de Mayotte, Mansour Kamardine, à l'AFP. Il a également évoqué des «guerres entre villages de la part de hordes de jeunes équipés d'armes blanches». «Il manque 500 agents des forces de l'ordre dans l'île», estime Mansour Kamardine, qui déplore que les effectifs de police et de gendarmerie soient taillés pour une population officielle de 270 000 habitants, alors qu'elle serait officieusement «de plus de 400 000».
Mayotte subit depuis des années l'anarchie importée par la communauté comorienne entrée et installée illégalement sur notre île dans des bidonvilles
«[Mayotte] subit depuis des années l'anarchie importée par la communauté comorienne entrée et installée illégalement sur notre île dans des bidonvilles», a estimé le 17 août le Collectif des citoyens de Mayotte, dans une lettre ouverte au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Pour ce collectif, «ces jeunes ont été abandonnés et livrés à eux-mêmes par leurs parents clandestins ; [...] ils ont grandi en marge de la société et ont développé une délinquance de survie qui s'est muée, en grandissant avec ses auteurs, en criminalité organisée en bandes». De plus, «en l'absence de structures adaptées locales, l'appareil judiciaire et éducatif choisit quasiment systématiquement de remettre ces mineurs ultra violents en liberté», assure le collectif, qui réclame «plus de fermeté».
Le préfet de Mayotte avait lancé en mars, juste avant le confinement, un plan pour enrayer ces violences, basé notamment sur une présence accrue des forces de l'ordre sur les axes routiers et aux abords des établissements scolaires. Ce plan prévoyait également le recrutement de 600 bénévoles, chargés d'aller au contact des jeunes désœuvrés.
Le collectif et le député font part d'un sentiment d'abandon, qui a poussé certains à se faire justice eux-mêmes : trois hommes ont récemment été poursuivis pour avoir séquestré et «corrigé» un présumé délinquant. Une marche blanche pour les soutenir a réuni près de 3 000 personnes, en plein confinement.
Les autorités ont annoncé l'organisation «au plus tôt des assises de la sécurité, des réunions fréquentes du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD)», afin de «trouver des solutions pérennes et globales avec les parents, les jeunes, les associations».
77% de la population vit sous le seuil de pauvreté national
Les violences sont le lot quasi-quotidien de Mayotte, devenue département français en 2011, selon l'AFP.
Début juin, des soignants du dispensaires de Kahani avaient manifesté, malgré la pandémie de Covid-19, pour dénoncer l'insécurité autour de leur lieu de travail. En février, un candidat aux municipales à Dembéni a été violemment agressé avec une boule de pétanque à la sortie d'une réunion publique, dans un contexte de règlement de compte entre bandes rivales.
En 2018, après l'intrusion violente d'une centaine de jeunes au sein du lycée de Kahani, une grève de trois mois contre l'insécurité avait paralysé l’île.
Selon l'Insee, la moitié de la population de Mayotte est de nationalité étrangère, dont une grande majorité vit clandestinement sur le territoire. Par ailleurs, plus des trois quarts de la population (77%) vivent sous le seuil de pauvreté national, et près de la moitié des Mahorais ont moins de 18 ans.