Agée de 19 ans à l'époque des faits, Lola Villabriga avait subi une triple fracture de la mâchoire causée par un tir de LBD 40 lors d'un rassemblement en marge de la préparation du G7 de Biarritz, le 18 décembre 2018.
Le policier bordelais âgé de 33 ans, identifié par l'inspection générale de la police nationale, a choisi une procédure de plaider-coupable. Selon France Bleu, qui couvrait le procès, ce 26 juin, il a été condamné à 90 jours d'amende de 15 euros, pour un total de 1350 euros.
Toujours selon cette même source, l'avocat du fonctionnaire a fait savoir que ce dernier «n'avait jamais voulu viser Lola». L'opérateur de l'arme a également voulu échanger quelques mots avec la jeune manifestante pour lui signifier ses regrets à l'issue de l'audience.
Dans une vidéo publiée par France Bleu, la jeune femme s'est dite «contente d'avoir eu la chance d'un procès» et a précisé : «J'ai eu les réponses que j'attendais et j'ai eu droit à des regrets de sa part.»
De source policière, le policier en question travaillait en brigade anticriminalité à Bordeaux et avait été appelé en renfort pour cette journée à Biarritz. Le fonctionnaire aurait également assuré à la jeune femme qu'il avait «lui-même rendu compte à sa hiérarchie» de son tir ce jour-là. Devant la barre, il a expliqué n'avoir pas maîtrisé le tir du lanceur de balles de défense. Selon France Bleu, le conseil du policier a pris la parole lors de l'audience et a évoqué des «blessures par imprudence» concernant la triple fracture qu'a subie Lola Villabriga.
Un peu plus tôt, devant la même cour, l'avocate Cécile Bussières, qui défendait la jeune femme, a pour sa part déclaré, toujours selon France Bleu : «C'est le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, qui devrait être à cette barre.»
Des propos chocs de la part de l'avocate, qui ne sont pas sans rappeler ceux tenus au mois d'octobre 2019 par des policiers interrogés par RT France, qui incriminaient la chaîne de commandement ayant mené au maintien de l'ordre parfois très musclé qui avait été mis en place face aux manifestants Gilets jaunes pendant cette crise sociale :
Une sénatrice remet en question le cadre législatif du LBD 40
Par ailleurs, évoquant précisément l'affaire de Lola Villabriga lors de son intervention au Sénat le 25 juin, Muriel Jourda, sénatrice Les Républicains de la commission des lois, a posé directement une question à propos du LBD 40 à Christophe Castaner au cours de son audition devant la chambre haute, dans le cadre d'une mission d'information sur les moyens d'intervention des forces de l'ordre. Lors d'une affaire opposant la société RedCore, qui conçoit des lanceurs de balles de défense, au ministère de l'Intérieur et au ministère des Armées, il est apparu, ainsi que l'a expliqué au ministre la sénatrice, également avocate, que le LBD 40 actuellement en dotation en police et en gendarmerie n'a bénéficié d'aucun classement.
Et l'élue du Morbihan de préciser : «Je le dis assez aisément puisque c'est la réponse qui a été faite par votre ministère à la commission d'accès aux documents administratifs [CADA].»
Dans sa conclusion, la sénatrice pose une question et laisse entendre que le LBD 40 de Brügger & Thomet, actuellement en dotation en police et en gendarmerie, n'ayant pas bénéficié dans le droit français d'un arrêté de classement, ne serait pas utilisé «conformément à la loi» : «Du fait des polémiques qui entourent les lanceurs de balles de défense et que l'on connaît tous, ne croyez-vous pas monsieur le ministre que dans l'intérêt de la population et des forces de l'ordre, il faudrait que le ministère de l'Intérieur prenne l'initiative de retravailler la législation relative au classement des armes et prenne l'initiative de modifier ses pratiques et choisisse des armes qui, conformément à la loi, fassent l'objet d'un classement ?»
Le cas échéant, les victimes de tirs mal exécutés ou des fonctionnaires condamnés pourraient-ils se retourner contre l'administration qui a doté ses forces de sécurité intérieure d'armes n'ayant pas bénéficié d'un arrêté de classement ? L'avenir le dira peut-être : Christophe Castaner a botté en touche sur cette question de Muriel Jourda, et répliqué qu'il réglerait la question avec le service central des armes pour répondre aux sénateurs de la mission d'information. A suivre.
Antoine Boitel