France

Mélenchon réfute le concept de «privilège blanc»

Le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a critiqué la notion de «privilège blanc», estimant que ceux qui l'utilisent «n'ont jamais vu un blanc pauvre». Importé des Etats-Unis, le concept est promu en France par une poignée de personnalités.

L'expression «privilège blanc» était, jusqu'à il y a encore peu, globalement confinée de l'autre côté de l'Atlantique. Pourtant, après la mort de George Floyd, et dans la foulée des manifestations contre les violences policières et le racisme qui ont suivi aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde, elle pourrait s'inviter dans le débat national français.

Pour l'heure, le concept est loin de faire l'unanimité, même à gauche. Dans une émission de son nouveau média en ligne, L'Insoumission, le chef de file des insoumis Jean-Luc Mélenchon a ainsi été catégorique. «Il faut aimer la France sans exclusive, ce n'est pas la couleur qui va séparer les Français», a-t-il plaidé. Hors de question pour lui de se plier à cette analyse de la France, qu'il considère comme particulièrement erronée : «Les trois ou quatre gens qui pensent [qu'il existe un privilège blanc] n'ont jamais vu un blanc pauvre.»

Pour étayer son propos, le député des Bouches-du-Rhône rappelle qu'à l'époque de la guerre d'Algérie, certains dénonçaient : «Les blancs tous des colons». «Pourtant les miens n'ont jamais colonisé, étaient des pauvres, étaient maltraités, certes moins que les autres», a-t-il argumenté.

Etablissant une ligne politique loin d'être toujours aussi claire au sein de son parti, Jean-Luc Mélenchon s'est dit être «contre les communautés, non pas au sens d'amitiés, mais [au sens] que des droits s'appliqueraient exclusivement à l'intérieur de celles-ci et pas ailleurs dans le pays». Et le leader de la France insoumise de resituer le combat : «Le seul séparatisme c'est celui des riches qui vivent entre eux dans leur ghetto.»

Marginal en France

L'origine du concept de «privilège blanc» remonte au début du XXe siècle, alors que les lois Jim Crow définissent une ségrégation raciale dans tous les lieux et services publics des Etats du sud des Etats-Unis. 

William Du Bois, cofondateur de l'Association nationale pour l'avancement des gens de couleur (NAACP), inspirateur des travaux universitaires actuels, déplorait ainsi que «si les travailleurs blancs, en tant que groupe, perçoivent un faible salaire, ils obtiennent en partie compensation par une sorte de salaire public et psychologique. On leur octroie des égards publics et des titres de politesse en raison de leur couleur».

Aujourd'hui, des universitaires américains ont adapté le concept dans le but d'interpeller «la majorité invisible» et d'afficher au grand jour les avantages culturels, sociaux, économiques et politiques que la société lui confèrerait.

Nées de l'histoire ségrégationniste américaine, ces thèses paraissent donc difficilement exportables telles quelles en France. Ce qui n'empêche pas une poignée de personnalités de tenter de les imposer dans le débat public. Le parti des indigènes de la République en fait la promotion de longue date, tandis que l'historien Pascal Blanchard ou encore la militante Rokhaya Diallo les défendent également régulièrement.

Si ces voix restent marginales à l'échelle de la société, elles ont trouvé ces derniers jours une véritable caisse de résonance dans les médias du service public français. France Inter a par exemple récemment relayé une lettre publique envoyée par l'écrivain Virginie Despentes à Assa Traoré, la très médiatique sœur d'Adama Traoré. Dans ce courrier adressé à «ses amis blancs qui ne voient pas où est le problème», elle s'attelle à expliquer en quoi «être blanc» constituerait un privilège.