Depuis le 23 mars 2020, date de la mise en place de l'état d'urgence sanitaire en France pour une période initiale de deux mois, les citoyens ont assisté à l'entrée en vigueur de mesures inédites destinées à freiner une crise sanitaire de grande ampleur. Dans ce contexte, les autorités françaises ont parfois vu certaines de leurs initiatives – amendements ou arrêtés préfectoraux – tuées dans l'œuf, car dotées d'implications juridiques pour le moins hasardeuses.
Le gouvernement échoue à élargir l'habilitation des gardes particuliers
Publiée le 7 mai sur le site de l'Assemblée nationale, une des dispositions prévues dans un amendement présenté par la majorité a par exemple dû être tout bonnement supprimée. Elle prévoyait de permettre aux gardes particuliers de «constater par procès-verbal toute contravention aux mesures de police sanitaire édictées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, lorsque cette infraction est commise sur le territoire pour lequel ils sont assermentés».
L’octroi d’un tel pouvoir de police judiciaire aux gardes particuliers [...] présente des fragilités constitutionnelles
En substance, la disposition visait donc à étendre le pouvoir des gardes particuliers afin qu'ils soient dorénavant habilités à faire respecter les mesures gouvernementales liées à la crise sanitaire, en plus de leur mission habituelle qui, comme le rappelle l'Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice, est de «constater par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde».
«L’octroi d’un tel pouvoir de police judiciaire aux gardes particuliers pour participer à l’accomplissement d’une mission de police sanitaire n’est [...] pas envisageable en opportunité, et par ailleurs présente des fragilités constitutionnelles», peut-on finalement lire dans le texte disponible sur le site de l'Assemblée nationale.
La veille, le député LREM de la Loire Jean-Michel Mis avait fait valoir cet amendement en commission parlementaire – contre l'avis du rapporteur – insistant sur l'objectif de permettre aux gardes particuliers de constater par procès-verbaux des violations de l'état d'urgence.
La proposition a en outre fait l'objet d'une vague d'indignation sur les réseaux sociaux. Le 7 mai, le Huffington Post faisait ainsi état d'une «création de "milices privées" [qui] inquiète à gauche».
Fin de la réquisition de chasseurs par la préfecture de Seine-et-Marne
Quelques semaines plus tôt, c'était un arrêté pris le 3 avril par la préfecture de Seine-et-Marne et portant sur «la réquisition de certains chasseurs et garde-chasses particuliers» qui avait été à l'origine d'une avalanche de réactions.
Epinglé sur Twitter par le journaliste Marc Rees, le texte de la préfecture permettait la réquisition de chasseurs du département lors du premier week-end d'avril afin de «prévenir et de signaler aux représentants des forces de l'ordre toute infraction contrevenant aux dispositions de l'arrêté préfectoral du 31 mars», portant quant à lui sur «l'interdiction d'accès aux parcs et aux jardins publics, aux promenades, aux berges [ou encore] aux espaces forestiers» du département.
Un arrêté retiré quelques jours plus tard par la préfecture, qui a expliqué sa décision dans un communiqué mis en ligne le 9 avril.
Commentant l'arrêté susmentionné, le texte précisait alors que «les bases juridiques» de telles réquisitions s'étaient finalement «avérées fragiles». Et la préfecture d'expliquer que le dispositif ne serait pas reconduit pour les week-ends suivants.
Comme dans de nombreux pays, la pandémie de nouveau coronavirus est à l'origine en France de mesures inhabituelles souvent sources d'appréhension et de débats houleux sur la scène politique. Au moment où persistent de nombreuses incertitudes, l'état d'urgence sanitaire est sur le point d'être prolongé pour deux mois supplémentaires.
Présentée par Edouard Philippe lors du conseil des ministres du 2 mai, cette prorogation jusqu'au mois de juillet fait actuellement l'objet d'examens successifs par les députés et sénateurs, conformément au processus prévu à cet effet : la navette parlementaire.