Plusieurs figures de premier plan de la gauche, de La France insoumise (LFI) au Parti socialiste (PS) en passant par Lutte ouvrière (LO) ou le Parti communiste français (PCF), font unanimement bloc pour défendre Anthony Smith, un inspecteur du travail suspendu le 15 avril dernier. D'après eux, ce dernier a été suspendu «mis à pied par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud».
Selon les personnalités mobilisées pour le défendre, cet ancien secrétaire général de la CGT-TEFP, œuvrant dans le département de la Marne, a été suspendu parce qu'il exigeait des masques pour les salariés des entreprises qu'il contrôlait. Ce faisant, l'agent pouvait décider d'empêcher les sociétés de poursuivre leur activité, si elles ne souscrivaient pas cette condition.
Dans une tribune parue dans Libération ce 27 avril, des personnalités comme Philippe Martinez, Jean-Luc Mélenchon ou Olivier Faure attribuent ce litige à «la poursuite de l’activité économique à tout prix, et quel qu’en soit le coût pour les salarié·es» souhaitée par le gouvernement. «Plutôt que de sanctionner, le rôle du ministère du Travail devrait être de protéger les agent·es qui, dans ces circonstances difficiles, agissent conformément au droit du travail pour préserver la santé des salarié·es», plaident les signataires de la tribune.
Les rangs de La France insoumise, de Jean-Luc Mélenchon à François Ruffin, en passant par les députés Adrien Quatennens et Danièle Obono, ont mitraillé les réseaux sociaux pour protester contre la mise à pied à titre conservatoire de l'inspecteur. «Les pressions de la ministre sont illégales», estime le leader LFI dans ce tweet.
Le parti socialiste, Génération.s, ou encore le PCF via un tweet du sénateur de Seine-Saint-Denis Fabien Gay, ont réclamé l'arrêt des poursuites.
Dans un communiqué commun, l'ensemble des syndicats majoritaire (Force Ouvrière, la CGT, FSU, Solidaires ou encore la CFDT), a exprimé ses protestations.
Une pétition a également été lancée pour défendre Anthony Smith. Elle a recueilli plus de 100 000 signatures.
Respecter la procédure ou protéger les salariés ?
Cette campagne unanime de la gauche française et des syndicats s'appuie sur une conviction : l'inspecteur a tenté de protéger la santé des salariés ne disposant pas de protections suffisantes en pleine pandémie de Covid-19. N'ayant pas de retour favorable de la société à sa demande de commande de masques, Anthony Smith a initié, sans l’aval de sa hiérarchie, une procédure de référé afin que soit prescrite l'utilisation de ces protections. L'agent a également adressé des lettres de rappel de la réglementation similaires à d’autres entreprises.
Mais pour la direction du Travail, ce procédé ne respectait pas la procédure et n'était pas conforme aux prescriptions des autorités sanitaires. Anthony Smith est donc accusé d'avoir méconnu «de manière délibérée grave et répétée les instructions de l’autorité centrale du système d’inspection du travail concernant l’action de l’inspection durant l’épidémie de Covid-19». Les auteurs de la tribune objectent de leur côté qu'un article du code du travail lui confère le droit de faire appel au juge des référés.
L'inspection ferait-elle le jeu du gouvernement pour dissuader les inspecteurs trop zélés de freiner l'activité pour raison sanitaire ? C'est en tout cas l'avis de représentants syndicaux des inspecteurs du travail. Lors d'une réunion mi avril, ils se sont plaints du fait que le ministère du Travail organiserait «la paralysie et le court-circuitage de l'inspection du travail» pour ne pas nuire à la reprise des activités économiques. Et selon Julien Boeldieu de la CGT-Travail, la prescription de masques est l'élément qui a entraîné sa suspension, «alors que le ministère s'en tient dans ses préconisations aux gestes barrière, faute de masques disponibles».
Il a développé des pratiques internes non conforme aux règles professionnelles et déontologiques applicables
Mathilde Panot, eurodéputée insoumise, lors de la mission d'information Covid-19, le 22 avril, a demandé à la ministre du Travail Muriel Pénicaud de justifier la mise à pied de l'agent. «Cette décision est intervenue à la suite de plusieurs faits considérés comme fautifs [...] Il a par exemple enjoint aux employeurs des conditions de maintien d'activité non conformes aux prescriptions des autorités sanitaires», a répondu la ministre en lisant ses notes.