France

A rebours des instructions, l'institut du professeur Raoult dépiste tous les patients fébriles

A l'encontre des directives du gouvernement français, six médecins de l'IHU Méditerranée Infection, dont le professeur Didier Raoult, ont décidé de pratiquer les tests pour le diagnostic d'infection à Covid 19 «pour tous les malades fébriles».

L'institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, dirigé par le professeur Didier Raoult à Marseille, a pris la décision d'assurer le dépistage de toutes les personnes «fébriles» qui s'y présentent, selon un communiqué publié le 22 mars. Cette décision est une première en France et va donc à rebours des consignes données par les autorités nationales face à la pandémie de Covid-19, qui préconisent de ne pas tester systématiquement.

Un dépistage qui va à l'encontre des directives nationales

Le fait qu'il soit possible de se faire tester directement à cet IHU, alors que les autorités en France ont fait le choix de réserver les tests à certaines populations (fragiles, âgées, femmes enceintes, etc.), a été évoqué sur les réseaux sociaux ces derniers jours dans de nombreux messages, dont certains montraient en outre de longues files d'attente devant le bâtiment.

«Nous avons décidé pour tous les malades fébriles qui viennent nous consulter, de pratiquer les tests pour le diagnostic d'infection à Covid-19», précise l'IHU dans le même communiqué.

Dans un communiqué, l'Agence régionale de santé (ARS) rappelle pourtant qu'«en phase épidémique, le principe est de ne plus tester systématiquement». Par ailleurs, l'ARS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur va beaucoup plus loin en préconisant à toute personne de ne pas se présenter à l'hôpital de la Timone de Marseille (où se trouve l'IHU Méditerranée Infection) pour se faire dépister du Covid-19. «Attention l'IHU Méditerranée Infection ne pratique pas le dépistage systématique», poursuit l'ARS dans le même tweet, soulignant qu'il s'agit d'une «fake news».

En outre, les médecins signataires du communiqué de l'IHU, dont le professeur Didier Raoult, annoncent que tous les patients atteints du Covid-19, «dont un grand nombre peu symptomatiques ont des lésions pulmonaires au scanner», sont traités par l'association d'hydroxychloroquine – un dérivé de la chloroquine, molécule utilisée contre le paludisme – et d'azithromycine. «Dans les cas de pneumonie sévère, un antibiotique à large spectre est également associé», ajoutent les médecins.

«Nous pensons qu'il n’est pas moral que cette association ne soit pas incluse systématiquement dans les essais thérapeutiques concernant le traitement de l'infection de Covid-19 en France», écrivent-ils également dans le communiqué.

La chloroquine comme remède potentiel au Covid-19 ?

Depuis l'apparition du nouveau coronavirus en Chine, le professeur Raoult défend l'usage de la chloroquine contre la maladie, nourrissant des réserves chez d'autres spécialistes, qui estiment notamment que les essais menés auprès de 24 patients ne répondent pas à tous les critères nécessaires.

Le 19 mars, c'est le président américain Donald Trump lui-même qui a salué ses travaux et la solution qu'il propose, même si l'organisme fédéral qui supervise la commercialisation des médicaments aux Etats-Unis a ensuite tempéré l'enthousiasme présidentiel.

«Nous avons soutenu et autorisé l'essai du professeur Raoult avec l'appui de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des comités de protection des personnes», a pour sa part rappelé le 22 mars le professeur Jérôme Salomon, directeur général de la Santé (DGS) lors d'un point presse.

Un essai clinique européen a été lancé le 22 mars dans au moins sept pays européens, dont la France, pour tester quatre traitements expérimentaux contre le coronavirus, qui va inclure en tout 3 200 patients.

«Ce qui compte aujourd'hui, [...] c'est qu'on produise tous, tous ensemble, des connaissances scientifiques en urgence dans des bonnes conditions pour que très rapidement les solutions apparaissent, qu'elles soient négatives ou positives», a indiqué Jérôme Salomon dans ce même point presse.

Les traitements testés à grande échelle seront les molécules suivantes : le remdesivir, le lopinavir en combinaison avec le ritonavir, ce dernier traitement étant associé ou non à l’interféron bêta, et l’hydroxychloroquine, selon un communiqué de l'Inserm, l'organisme qui chapeaute la recherche médicale en France. En outre, cinq hôpitaux français participeront au départ, l'IHU Méditerranée Infection n'en faisant pas partie, selon l'Inserm.

A l'IHU Méditerranée infection, les médecins signataires du communiqué, dont Didier Raoult, estimaient le 22 mars : «Conformément au serment d'Hippocrate que nous avons prêté, nous obéissons à notre devoir de médecin. Nous faisons bénéficier à nos patients de la meilleure prise en charge pour le diagnostic et le traitement d’une maladie».

Le choix d'un «usage raisonnable, rationnel, raisonné des tests», à l'encontre des préconisations de l'OMS

Lors d'un point presse sur le coronavirus ce 21 mars, le ministre de la Santé Olivier Véran s'est exprimé sur la stratégie gouvernementale concernant le dépistage de la maladie. Le ferme refus opposé à la population concernant le diagnostic du virus pose de plus en plus de questions et génère de nombreuses incompréhensions, notamment chez les scientifiques, de l'aveu même du ministre. En effet, jusqu'à présent, les tests pour le Covid-19 étaient réservés aux personnes «prioritaires», à savoir celles qui présentent des symptômes sévères, au personnel médical, aux femmes enceintes, aux donneurs d'organes, de cellules et de tissus, et aussi au personnel politique.

Le gouvernement a fait le choix d'un «usage raisonnable, rationnel, raisonné des tests» et a décidé de baser le suivi médical sur «la surveillance des symptômes», a expliqué le ministre de la Santé. Si plus de 60 000 tests ont été effectués à ce jour selon le ministre, il a admis que «la doctrine d'usage rationnel et raisonné des tests doit évoluer» à la lumière des recommandations du docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS, qui a insisté sur la nécessité d'effectuer les tests de dépistage du Covid-19. «L'enjeu, c'est d'être en mesure de multiplier nos capacités de test au moment où nous lèverons le confinement», a expliqué Olivier Véran.

Même son de cloche du côté de Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique français qui préconisait le 20 mars la pratique d'une «stratégie de tests massifs» en sortie de confinement pour lutter contre le coronavirus, tout en expliquant qu'il n'y a aujourd'hui pas assez de tests disponibles. «Cette stratégie de tests massifs, utilisée notamment par les Coréens, est celle que nous préconisons de mettre en œuvre pour la sortie du confinement», a-t-il déclaré au quotidien La Croix