L'examen de la réforme des retraites continue d'agiter l'Assemblée nationale. Dernier épisode en date : dans la soirée du 25 février, les députés de la majorité ont déserté l'hémycicle pendant près d'une demi-heure pour protester contre l'attitude de l'opposition, et notamment celle de la France insoumise. Ils dénoncent «l'obstruction» et une «litanie» d'amendements «sans aucun intérêt». L'opposition de gauche a en effet déposé plus de 40 000 amendements afin de retarder l'entrée en vigueur du texte.
«Nous venons d'engager une série d'amendements tous identiques, avec encore une fois la volonté manifeste de faire durer inutilement le débat», a regretté le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale Gilles Le Gendre, seul membre de la majorité resté dans l'hémicycle avec Patrick Mignola, président du groupe MoDem après l'incident. «C'est notre droit de récuser la nature de ces débats, nous ne souhaitons pas y participer», a ajouté Gilles Le Gendre pour justifier l'action des députés LREM et MoDem.
De retour dans l'hémicycle, la tension n'est pas retombée. En cause : une déclaration du co-rapporteur du texte Nicolas Turquois (MoDem) qui a de nouveau mis le feu aux poudres. «Certains ont dit la République, c'est moi, eh bien, la République c'est nous, et vous, vous n'êtes rien», a lancé le député MoDem à l'opposition. Une allusion à «la République, c'est moi !», phrase prononcée par Jean-Luc Mélenchon lors de la perquisition du siège de La France insoumise en octobre 2018.
Rien de tel pour provoquer la colère des députés LFI, qui ont dénoncé un «dérapage» d'un rapporteur qui a «perdu ses nerfs». «Votre président nous avait prévenu sur ces gens qui ne sont rien, et voilà le "vous n'êtes rien"», a déploré l'élu de la Somme François Ruffin.
Philippe Gosselin (LR) est monté au créneau pour défendre ses collègues de La France insoumise. «On pense ce que l'on veut sur ces bancs, ici, bien évidemment c'est la grandeur de la démocratie mais on ne s'adresse pas à une partie de l'hémicycle, à des collègues en disant "vous n'êtes rien". Ce n'est pas qualifiable, ce n'est pas digne, donc reprenez-vous, si vous perdez vos nerfs après trois semaines, allez vous coucher, ça fera du bien à tout le monde ici !», s'est indigné le député de la Manche.
Le président de séance Hugues Renson a reconnu des «propos excessifs» de Nicolas Turquois, qui a finalement présenté ses excuses.
Vers l'utilisation du 49.3 ?
Le projet de réforme des retraites suit son chemin cahoteux à la chambre basse du Parlement. Au dixième jour des débats ce 26 février, les députés n'en sont qu'à l'examen du deuxième article sur 65. C'est pourquoi le gouvernement envisage de recourir à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote le projet de réforme des retraites.
«Quand il faut prendre mes responsabilités, je n'ai pas pris l'habitude de me défausser. [...] Le 49.3 est une responsabilité du Premier ministre. Si je considère que c'est comme cela qu'il faut avancer, je prendrai mes responsabilités [...] Je n'ai jamais critiqué son utilisation. Je suis à l'aise avec la Constitution», a déclaré ce 25 février le chef du gouvernement Edouard Philippe au sujet de la réforme des retraites, lors de la réunion hebdomadaire du groupe majoritaire à l'Assemblée.
Cette hypothèse inquiète l'opposition qui dénonce «une violence faite au Parlement, à la démocratie. Si le gouvernement décide d'utiliser [l'article 49.3], tout le monde a bien compris que c'est une marque d'infamie qui sera apposée au bas de la réforme», a pour sa part jugé le député communiste des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville, cité par Le Figaro.
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