Un capitaine de police converti à l'islam a été désarmé et écarté de son affectation, le 28 octobre 2019, pour des soupçons de «radicalisation islamiste» après l'attaque de Mickaël Harpon, qui a endeuillé la préfecture de police de Paris, le 3 octobre 2019. Le 8 janvier 2020, il a formé un pourvoi devant le Conseil d'Etat et saisi le Défenseur des droits. L'enquête administrative sur sa suspension provisoire doit se conclure d'ici le 28 février.
La question qui devra être tranchée est celle de la dangerosité potentielle du fonctionnaire qui dirigeait depuis juin 2019 un groupe à la Brigade d'exécution des décisions de justice (BEDJ), et qui s'était vu confier la gestion du fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait)... Un poste octroyé au grand dam de représentants du syndicat Alliance, selon les informations de Franceinfo qui a eu accès à un courrier du chef de la brigade : «Alors qu’il était pressenti pour prendre la tête de cette unité, une délégation syndicale Alliance a demandé audience pour s’émouvoir du fait que Monsieur C., dont le service entier connaît la pratique religieuse, était susceptible de superviser le Fijait.»
Surréaction des autorités ?
Selon la même source, le capitaine est le seul gradé dont le ministère de l’Intérieur a demandé la suspension provisoire dans les jours qui ont suivi l’attaque à la préfecture de police de Paris, en raison d'une potentielle radicalisation.
Des collègues anonymes ont assuré que le capitaine n'embrassait plus ses collègues féminines et qu'il priait dans son bureau. Mais le rapport commandé «en urgence par le préfet au chef de la BEDJ», selon Franceinfo, n'a pas permis d'établir une radicalisation avérée. Au contraire, un commissaire divisionnaire témoigne en sa faveur en décrivant un policier «aguerri», «rigoureux», «loyal» et «dévoué».
Pourtant, le 9 octobre 2019, le capitaine musulman découvre qu'on lui a coupé l'accès au fichier des terroristes suivis par son service. Il est désarmé le lendemain, puis suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, le 28 octobre 2019, sur décision du ministre de l’Intérieur.
«Les autorités ont-elles surréagi ?», s'interroge Franceinfo qui suppose que la mesure a peut-être été prise pour «rassurer l'opinion publique». L'officier qui a saisi le tribunal administratif de Paris s'en est expliqué par la voix de son avocat après une audience en décembre 2019 : «Cette comparaison avec le dénommé Harpon pour mon client, c’est inouï de violence. La seule similitude qui existe entre les deux profils, c’est leur conversion à l’islam. Point. Et c’est terrible lorsque vous êtes en charge, en qualité de capitaine de police, du suivi de l’ensemble des personnes condamnées à Paris pour des faits de terrorisme, d’être comparé, sans procès, sans faits, sans éléments, à quelqu'un qui a commis un acte qui pourrait être un acte terroriste.»
Le juge des référés a pour sa part tranché le 3 janvier 2020 en faveur de la décision de l'administration.
Mais la question se pose également de la poursuite de la carrière du capitaine de police, dans le cas où il ne serait pas révoqué, ainsi que le relève Christophe Rouget, porte-parole du Syndicat des cadres de la sécurité intérieur (SCSI) qui le défend : «Il est probable, possible, qu’in fine cette personne soit blanchie. Comment va-t-on gérer cette situation ? Personne ne le sait. Il est difficile pour un collègue policier de revenir dans un service alors que ses collaborateurs ont eu une suspicion sur lui, d’autant plus qu’il a été stigmatisé par l’institution. On est dans une situation qui, humainement, est vraiment très délicate à gérer.»
Selon les informations de France Inter, confirmées par Le Figaro, 106 dossiers de policiers signalés pour radicalisation présumée dans toute la France font l'objet d'une étude, mais les soupçons portent principalement sur des comportements religieux incompatibles avec le métier de policier, et non sur une «radicalisation violente».
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