Les Français bouderaient-ils l’actu ? C’est en tout cas ce que révèle le baromètre annuel réalisé par l’institut Kantar pour La Croix. Publiée le 15 janvier, l’enquête d’opinion montre que seulement 59% des sondés suivent l’actualité avec un intérêt «assez grand» ou «très grand», un chiffre en baisse de 8 points par rapport à l’année dernière. Dans le même temps, les Français sont 41% à déclarer un intérêt «très faible» ou «assez faible» pour l’actualité.
Après un pic d’intérêt en 2015 (76% pendant la vague d‘attentats), proche du record absolu de 1993 (77%), cette chute représente la plus grosse baisse enregistrée depuis le lancement du baromètre en 1987. Les jeunes (50%), les femmes (53%), les moins diplômés (54%), les personnes engagées politiquement (48%), mais aussi les ouvriers (53%) et les commerçants et artisans (53%) sont ceux qui s’éloignent le plus de l’actualité.
Les médias poussés vers l'évolution
La confiance dans les médias, qui s’établissait à un niveau extrêmement bas l’année passée, demeure très faible. 50% des Français jugent que les infos diffusées à la radio sont crédibles, un niveau historiquement bas, contre 40% pour la télévision (+2 points) et 46% pour la presse écrite (+2 points). La confiance dans les informations reprises sur l’Internet, mesurée depuis 2005, s’établit à 23% (-2 points), très loin des 39% de 2015.
Des chiffres en baisse qui inquiètent certains médias. «La défiance à l'égard des médias, on s'en aperçoit tous les jours sur le terrain, et dans les réactions de nos téléspectateurs et internautes», mais «ce qui m'impressionne le plus, c'est le désintérêt des jeunes générations pour l'information délivrée par les médias», a fait valoir Valérie Nataf, directrice de la rédaction de LCI, lors de la présentation du baromètre à Paris.
Le baromètre pointe également un phénomène moutonnier dans le monde des médias. Les Français déplorent dans l’étude la surmédiatisation de certains sujets, à l’instar de l’incendie à Notre-Dame de Paris, au détriment d’autres comme la crise climatique ou encore les violences conjugales. Selon Vincent Giret, patron de la radio Franceinfo, repris par l’AFP, cette défiance a pris un tour nouveau avec la «crise des Gilets jaunes», un événement «qui reste dans la mémoire historique de nos rédactions, comme quelque chose de très fort, comme un acte de défiance et même de violence physique avec les journalistes qui ont été très malmenés sur le terrain».
«La vraie question, c'est : qu'est-ce qu'on fait une fois qu'on a vu tout ça ?», se demande François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef de Ouest France, cité par l’AFP. Plusieurs idées sont actuellement à l’étude comme une plus grande collaboration entre les rédactions et les citoyens mais aussi la mise en place d’une instance de déontologie, qui pourrait jouer ce rôle de médiateur. Néanmoins la mesure ne fait pas consensus au sein de la profession, dont certains représentants s’inquiètent de voir l’Etat exercer un plus grand contrôle sur les médias alors que se profile la réforme de l’audiovisuel.
Le baromètre a été réalisé par Kantar pour La Croix, du 2 au 6 janvier, auprès d'un échantillon représentatif de 1 007 personnes.