Habitué à retransmettre en direct vidéo les mouvements sociaux, le journaliste de Brut, Rémy Buisine, n'a pas pu couvrir le début de la manifestation contre la réforme des retraites ce 9 janvier à Paris : il a été arrêté par les forces de l'ordre au départ du cortège place de la République. «Il a été interpellé peu avant 14h, avant même le départ de la manifestation puisqu'il n'avait pas encore démarré son direct», a ainsi expliqué à l'AFP Laurent Lucas, le directeur éditorial de Brut, ce qu'a confirmé l'intéressé sur Twitter.
Le journaliste a expliqué que les équipements de protection qu'il portait, en particulier un masque équipé d'une cartouche de gaz, ont motivé son arrestation. Les masques à gaz sont en effet considérés comme du matériel de guerre, selon le Code de la sécurité intérieure, et il est donc illégal d'en porter en manifestation. Le directeur éditorial de Brut a toutefois souligné que, selon une personne qui accompagnait le journaliste, «d'autres personnes portaient des masques de protection et n'ont pas été inquiétées». Emmené au commissariat où son matériel a été confisqué, Remi Buisine en est sorti deux heures et demie plus tard.
Une interpellation qui n'est pas un cas isolé ce 9 janvier. D'après un journaliste du Monde, un reporter du média Line press a également été arrêté, pour les mêmes motifs. Alors qu'il défendait sur Twitter la «nécessité d'informer», rappelant la difficulté de le faire lorsque l'air est saturé de gaz lacrymogènes, un syndicat de police lui a répondu qu'il était «étrange de venir avec du matériel de guerre sur manifestation».
Dérive répressive contre les journalistes ?
Des événements qui pourraient bien raviver le débat sur la liberté de la presse en France, qui est de plus en plus en danger selon l'ONG Reporters sans frontières. Mi-décembre 2019, celle-ci tirait la sonnette d'alarme, notant déjà que les dernières journées de mobilisation contre la réforme des retraites avaient été marquées «par un niveau inégalé de violence contre les journalistes».
«On ne compte plus les témoignages de séquelles physiques – hématomes causés par des coups de matraque, brûlures causées par l'explosion de grenades de désencerclement – ou les récits d'entraves à l'exercice du journalisme après des destructions de matériel ou des placements en garde à vue», dénonçait Reporters sans frontières, qui «ne saurait tolérer plus longtemps ce manque de volonté et cette hypocrisie».
Un constat qui fait réagir l'ONG depuis les manifestations sur la réforme des retraites, mais qui a débuté bien avant, dès le début du mouvement des Gilets jaunes. Dans une tribune consacrée au sujet le 1er mai 2019, les journalistes avaient ainsi dénoncé les «violences physiques ou verbales» à leur encontre de la part des policiers.
«Par violence, nous entendons : mépris, tutoiement quasi systématique, intimidations, menaces, insultes. Mais également : tentatives de destruction ou de saisie du matériel, effacement des cartes mémoires, coups de matraque, gazages volontaires et ciblés, tirs tendus de lacrymogènes, tirs de LBD, jets de grenades de désencerclement, etc. En amont des manifestations, il arrive même que l’on nous confisque notre matériel de protection (masque, casque, lunettes) en dépit du fait que nous déclinions notre identité professionnelle», avait alerté dans Le Monde les 350 journalistes cosignataire de la tribune.
Ce constat, les journalistes de RT France ont pu le constater sur le terrain, ayant été à plusieurs reprises insultés ou matraqués par les forces de l'ordre, et ce en dépit de leur identification presse.