Les manifestations intersyndicales dans le monde policier étaient assez rares jusqu'à l'automne 2019... Mais le ton et la stratégie changent : Alliance, Unsa-Police et Unité-SGP ont plusieurs fois fait cause commune depuis la marche de la colère policière du 3 octobre. C'est à nouveau le cas ce 11 décembre devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) : à l'appel de ces trois syndicats majoritaires, les policiers militants se sont réunis en amont des annonces sur la réforme des retraites d'Edouard Philippe attendues quelques heures plus tard dans ce haut-lieu de dialogue des corps intermédiaires.
Edouard Philippe a pour sa part fait savoir lors de cette allocution au Palais d'Iéna à Paris que tous les Français seraient à l'avenir logés à la même enseigne après cette réforme des retraites : «Un régime universel, ça veut dire pour tout le monde [...] sans exception. [...] La mise en place d'un régime universel implique la suppression des régimes spéciaux [...] Nous mettrons fin aux régimes spéciaux, progressivement, sans brutalité, avec tranquillité [...] avec calme avec détermination, avec respect pour les institutions syndicales.»
Par ailleurs, au sujet spécifique des forces de l'ordre, le Premier ministre a précisé que «ceux exposés aux missions dangereuses», notamment les gardiens de prison, ou, on peut l'imaginer, les effectifs de terrain dans les commissariats, les unités d'élite et celles dédiées au maintien de l'ordre, verraient certains avantages conservés : «Le président de la République disait que le système universel ne signifiait pas la négation de toute spécificité», a expliqué Edouard Philippe.
Les représentants professionnels des policiers viennent quant à eux rappeler devant le CESE qu'ils tiennent à leurs régimes spéciaux pour tous les membres de la police nationale et pas seulement pour les effectifs de terrain, dont la mission semble être considérée par Beauvau comme plus dangereuse et donc plus légitime à bénéficier du fameux régime dit du «cinquième». C'est la piste de réforme qu'avait décrite le ministre de l'Intérieur au micro de BFM TV le 4 décembre. En l'occurrence, les policiers pouvaient jusqu'à présent partir plus tôt en retraite, car ils bénéficiaient d'une annuité de bonification tous les cinq ans avec une condition d'éligibilité de 27 ans dans la maison police.
Interrogé par Yahoo Actualités, Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance, a déclaré : «Le policier, aujourd'hui, il risque sa vie 24/24h [...] il est fonctionnaire de police en service et hors-service et rien que pour cela, le gouvernement devrait faire en sorte de sauvegarder le statut social. [...] C'est juste le minimum de la considération et du respect qu'on peut leur porter.»
Et de faire allusion aux missions répétitives de maintien de l'ordre incombant aux policiers qui pourraient commencer à être de moins en moins assurées par les fonctionnaires : «Maintenant, comment va se passer le maintien de l'ordre ? Vous allez demander à M. Castaner comment ça se passera, parce que si mes collègues sont épuisés, si mes collègues n'en peuvent plus, si mes collègues n'arrivent plus à se lever le matin (ça fait des jours et des jours qu'ils ne dorment pas plus de trois ou quatre heures par nuit), eh ben, on n'est pas des robots, on est des êtres humains. Et tôt ou tard, les collègues du maintien de l'ordre devront se reposer... C'est ce qu'ils commencent à faire parce qu'ils y croyaient à ce gouvernement, avec ses belles phrases, ses beaux mots, mais nous, on veut tout simplement des actes forts.»
Ces propos interviennent après plusieurs échanges de plus en plus tendus entre le ministère de l'Intérieur et les patrons des syndicats policiers au sujet des retraites, mais également des violences et des menaces subies par les fonctionnaires de police. Les menaces et les attaques à l'encontre des membres de la police nationale et de leurs familles se sont également multipliées depuis plusieurs jours.
La responsabilité personnelle de ces derniers pourrait également être retenue suite à des écarts de conduite constatés lors des nombreuses opérations de maintien de l'ordre réalisées depuis la crise sociale des Gilets jaunes. Un membre des CRS comparaissait notamment devant le tribunal correctionnel le 21 novembre pour avoir jeté un pavé le 1er mai 2019 à Paris. Il encourt trois mois de prison avec sursis et sera fixé sur son sort le 19 décembre, date fixée par le président d'audience pour ce délibéré.