Manuel, éborgné par une grenade lacrymogène – probablement tirée par les forces de l’ordre – le 16 novembre à Paris au cours du premier anniversaire des Gilets jaunes, et son avocat Arié Alimi, ont décidé de porter plainte et d’attaquer en justice le préfet de police de Paris, Didier Lallement.
En effet, l’avocat du Gilet jaune Manuel a déposé une plainte contre X, ce 20 novembre, pour «violences volontaires ayant entraîné une mutilation par personne dépositaire de l’autorité publique». La plainte vise également le préfet Didier Lallement pour «atteinte à la liberté individuelle» et «complicité de violences volontaires aggravées».
La veille, Manuel avait déclaré qu'il refusait d’être auditionné par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) en charge de l’enquête judiciaire. Dans un communiqué repris par Ouest-France, Arié Alimi a précisé que «son client refuse d’être auditionné» par ce service à cause, selon lui, de «la partialité de l’IGPN qui étouffe les affaires de violences policières».
Manuel «refuse également de transmettre les vidéos de la scène et des fonctionnaires impliqués» et «demande la désignation immédiate d’un juge d’instruction compte tenu du caractère criminel de l’affaire», a renchéri son avocat. Avant de menacer : «Les vidéos des responsables seront diffusées au public dans un délai d’une semaine à défaut de désignation d’un juge.»
De son côté, le parquet de Paris a également engagé une procédure judiciaire, le 18 novembre, pour «violences par une personne dépositaire de l’autorité publique avec armes ayant entraîné une interruption temporaire de travail de plus de huit jours».
Manuel estime que sa «vie est au point mort»
Dans un témoignage publié le 20 novembre par Mediapart, Manuel et sa femme ont exprimé leur ressenti sur la situation.
Toujours hospitalisé, le Valenciennois de 41 ans demeure confus sur ce qui lui est arrivé : «Pourquoi les policiers ont-ils tiré sur moi alors que je manifestais de façon pacifique ?» «J’ai perdu l’œil mais pas la mémoire hélas, et je revois continuellement le moment où la grenade arrive, mais c’était trop tard, je ne pouvais rien faire. Ma vie est au point mort», a-t-il déploré. Manuel estime néanmoins que la situation aurait pu être encore pire pour lui : «Quand je pense que la grenade aurait pu m’exploser dans la tête et que j’aurais pu en mourir ou que ça aurait pu être ma femme».
De son côté, la femme du Gilet jaune éborgné, Séverine, s'est montrée agacée envers le préfet de Paris, notamment en faisant référence à ses propos tenus au lendemain des manifestations, le 17 novembre.
«Quand j’ai appris les propos du préfet qui disait ne pas être du même camp que les Gilets jaunes ou assimilant les Gilets jaunes à des casseurs, j’ai eu une rage qui me donne aujourd’hui la force de me battre», a-t-elle notamment déclaré. «Il parle de camp, comme si c’était une guerre», a-t-elle aussi déploré.
Manuel est le 24e Gilet jaune à être éborgné. Ce dernier estime que «le ministre de l’intérieur ne pourra pas dire que les policiers ripostent à des casseurs [...] puisque les images [de sa blessure] parlent d'elles-mêmes».