France

La présence d'étoiles jaunes à la marche contre l'islamophobie soulève un tollé

La photo de plusieurs personnes dont une petite fille arborant une étoile jaune et un croissant lors de la marche parisienne contre l'islamophobie, a indigné plusieurs personnalités publiques et politiques. De la gauche au RN en passant par LREM…

La marche pour dire «STOP à l'islamophobie», qui a réuni une dizaine de milliers de personnes le 10 novembre à Paris, a fait couler beaucoup d'encre. Une photographie postée sur le réseau social Twitter par la sénatrice Europe écologie Les Verts (EELV) Esther Benbassa, notamment, a soulevé un tollé chez certaines figures politiques et médiatiques. 

Le cliché relayé par l'élue écologiste montre plusieurs personnes dont une petite fille, arborant un autocollant estampillé d'une étoile jaune (à cinq branches) juxtaposée à un croissant (jaune également). L'étoile rappelant celle (à six branches) que les juifs étaient contraints d'arborer pendant l'Occupation. Au centre de cette étoile portée par les manifestants est inscrit le mot «muslim» (musulman en anglais). «Alors, cette marche contre l'islamophobie ? Calme, bon enfant, chaleureuse. Citoyenne, en un mot», a légendé Esther Benbassa pour accompagner la tweet-photo polémique.

Mais ce sentiment est loin d'avoir fait consensus : le port des insignes jaunes a choqué un certain nombre de responsables politiques. 

Rugy, Bergé, Bellamy... Des politiques expriment leur indignation

C'est ainsi que le vice-président du Sénat David Assouline (PS) a fait part de son «écœurement» et a qualifié le procédé d'obscène sur Twitter. 

De même, l'ancien ministre et président de l'Assemblée nationale François de Rugy s'est interrogé : «Comment peut-on laisser penser que le sort des musulmans en France en 2019 équivaut au sort des Juifs sous le régime de Pétain ?»

«Cette comparaison [avec celle des juifs sous l'Occupation] est indécente», a tweeté la député La République en marche (LREM) Aurore Bergé. 

A droite de l'échiquier politique, l'eurodéputé Les Républicains (LR) François-Xavier Bellamy a estimé que chacun devait être «sidéré [...] de voir des Français défiler avec une étoile jaune - et parmi eux, des élus de la République». «C’est une insulte aux victimes juives du nazisme», a ajouté l'ancienne tête de liste LR aux élections européennes dans un autre tweet. 

«Honte aux voleurs de symbole, honte aux profanateurs de mémoire !», a encore tweeté l'eurodéputé du Rassemblement national (RN) Gilbert Collard.

«Ignoble» pour BHL, «à vomir» pour Alain Jakubowicz

Hors de la sphère partisane, le philosophe Bernard-Henri Lévy a dénoncé une «mise en scène [...] ignoble» sur le réseau social : «Il n’y a pas d’autobus place de la Contrescarpe. Pas de Vél d’Hiv ni d’étoile jaune contre les musulmans. Ce mélange de relativisme et de cynisme est effroyable», a-t-il fait valoir. 

«S’il devait par malheur advenir que cette petite fille [parmi les manifestantes] risque un jour de terminer sa vie dans une chambre à gaz je serais prêt à sacrifier la mienne pour le lui éviter. Mais aujourd’hui cette photo est à vomir et ceux qui l’ont affublée de cette étoile se sont déshonorés», a déclaré sur Twitter l'ancien président de la LICRA Alain Jakubowicz.

Autre réaction indignée à la vue d'étoiles et croissants jaunes dans la manifestation : le journaliste du Figaro Ivan Rioufol qui a pointé du doigt des «islamistes antisémites [qui] se comparent aux Juifs» en commentant un autre cliché de la mobilisation, sur lequel on voit une pancarte indiquant : «Hier c'était les juifs, aujourd'hui les musulmans». Sur la pancarte apparaît une étoile de David ainsi qu'un croissant et une étoile islamiques.

Interrogé sur France Info, l'imam de Bordeaux Tareq Oubrou, a estimé, de son côté, que la manifestation s'était globalement «bien déroulée», tout en voyant dans le port de l'étoile jaune par des manifestants un «dérapage». «Ceux qui arborent cette étoile jaune, ne connaissent pas l'histoire des juifs en France. On ne peut pas faire des comparaisons comme cela, on n'est pas dans les années 1930», a-t-il déclaré. 

Madjid Messaoudene : Ces autocollants ont effectivement circulé mais ce n'est pas le fait des organisateurs

Co-organisateur de la marche, le conseiller municipal de Saint-Denis Madjid Messaoudene a, de son côté, jugé qu'il était «effectivement, compréhensible que des personnes soient interrogées et touchées» par cet état de fait. L'élu municipal estime que cette initiative était «malheureuse» et «n'avait absolument rien à faire dans la manifestation». «Ces autocollants ont effectivement circulé mais ce n'est pas le fait des organisateurs», a-t-il également déclaré au micro de France Bleu Paris, considérant que les personne les ayant arborés n'ont pas cherché à comparer «le sort des musulmans avec celui de Juifs d'hier».

Esther Benbassa défend les manifestants : «Personne ne vole ici sa souffrance à personne» 

Face au tollé que son cliché a soulevé, Esther Benbassa a pris de nouveau la défense des manifestants, dans une série de tweets. Et s'est en outre défendue de tout antisémitisme : «Me voici traitée d'antisémite et de négationniste. Moi, une juive, ayant consacré ma vie à écrire l'histoire des miens», a-t-elle écrit, illustrant son propos de couvertures de certaines de ses publications, consacrées à l'histoire du peuple juif. 

«Personne ne vole ici sa souffrance à personne», a-t-elle également déclaré, précisant au passage que «la condition des Juifs dans les années noires et celle des musulmans aujourd'hui ne sont pas comparables».

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