Le gouvernement d'Emmanuel Macron a décidé de mettre sur le devant de la scène la thématique de l'immigration, avec plusieurs annonces faites par le Premier ministre Edouard Philippe ce 6 novembre. Parmi celles-ci, la mise en place de quotas chiffrés d'immigrés économiques dans certains secteurs. Le gouvernement souhaite également, entre autres, restreindre l'accès à l'Aide médicale d'Etat (AME). Les réactions n'ont pas tardé à fuser dans la classe politique, peu convaincue. Les partis de droite ont ainsi dénoncé le laxisme du gouvernement et mis en doute sa volonté de prendre le problème à bras le corps, tandis qu'à gauche, on dénonçait des mesures trop contraignantes.
Les mesures d'Edouard Philippe font l'unanimité... contre elles
«Les Français attendaient la rupture, ils auront la continuité», a déploré le Rassemblement national (RN) dans un communiqué. «D'aucuns s’empressent d’invoquer des secteurs d’activité sous tension pour justifier leur idéologie immigrationniste : c'est oublier que près de six millions de nos compatriotes sont au chômage», ajoute le parti, considérant qu'il est «illusoire de ne cibler que les détournements ou les abus : c'est tout ce qui est aujourd'hui autorisé et permis par la loi qui est au cœur même du problème».
Même scepticisme chez Les Républicains (LR). Sur Twitter, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a dénoncé «des mesures gouvernementales sans ambition qui vont finalement faire augmenter l'immigration». «Derrière le ton présidentiel volontariste, le "en même temps" paralyse un pouvoir incapable de refonder notre politique migratoire», a-t-il ajouté.
La députée LR des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer estime pour sa part : «Même si le discours va dans le bon sens, on est très loin des applications et des actes. 94% des personnes déboutées du droit d’asile restent en France. Commençons par appliquer les OQTF [obligations de quitter le territoire français]».
Du côté de la gauche, on juge au contraire trop dures les propositions d'Edouard Philippe. «Ils sont en train de faire un cadeau idéologique à l'extrême droite. Des règles existent déjà sur l'immigration économique. On ne voit pas pourquoi ils agitent encore le cocotier. Pourquoi ne pas commencer par régulariser tous les sans-papiers des secteurs sous tension ?», propose Fabien Roussel, secrétaire national du PCF. Celui-ci déclare que sur l'AME, «il peut y avoir des tricheurs, mais en s'y attaquant on risque de restreindre le droit de tous les autres, et de provoquer une crise sanitaire qui coûtera plus cher que l'aide».
Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, affirme que le gouvernement «veut donner le gage à la droite, voire la droite extrême de ce pays sur un sujet qui sur le plan économique est mineur». Il présente Emmanuel Macron et Edouard Philippe comme «des pompiers pyromanes qui vont devenir peut-être des arroseurs arrosés dans cette affaire».
Dans un communiqué, la délégation de la gauche sociale et écologique au Parlement européen a pour sa part estimé que le président de la République poursuivait «son offensive sur le terrain régalien en perspective des élections municipales et présidentielle». «Il livre en pâture les questions de migration, que l’opinion publique ne place pourtant pas parmi les sujets prioritaires de préoccupation, afin d'étouffer la contestation sociale sur les retraites et sur l’assurance chômage», ont-ils ajouté.
Une rare réaction positive au projet gouvernemental est venue du mouvement Agir, proche d'Emmanuel Macron. Le parti politique a souligné la nécessité de «reprendre le contrôle de [la] politique migratoire sans rien céder aux populismes et la réaffirmation du principe de souveraineté en la matière». «L'équilibre entre les droits et les devoirs se traduit effectivement par la lutte contre les détournements autant que par le renforcement, via une stratégie de quotas, de la nécessaire immigration professionnelle, sans laquelle des pans entiers de notre économie seraient mis en difficulté», poursuit Agir dans un communiqué.
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