France

RT est-il un média? Sibeth Ndiaye s'interroge sur le fonctionnement de la carte de presse

Alors que les journalistes de RT et Sputnik disposent de cartes de presse, la porte-parole du gouvernement appelle la profession à se demander si ces deux médias... sont bien des médias. Et relance pour l'occasion l'idée d'un conseil qui en jugerait.

Invitée de l'émission Les Matins sur France Culture le 4 novembre, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye en a profité pour livrer sa vision du journalisme et de la liberté de la presse. Et, comme c'est devenu une habitude dans les rangs de la majorité, cela a donné lieu à un véritable numéro de contorsionniste.

Défendant avec emphase la nécessité pour les médias d'avoir des lignes éditoriales différentes – «une évidence» – lorsqu'elle s'est efforcée de justifier l'entretien accordé par Emmanuel Macron au magazine Valeurs Actuelles, Sibeth Ndiaye s'est montrée nettement plus perplexe au sujet de Sputnik et RT.

«Je ne sais si on peut les considérer en tant que [des médias]. C'est une vraie question déontologique que la profession, à mon sens, doit se poser. Je sais que la réponse est difficile à apporter d'un point de vue déontologique, mais moi je considère que ce n'est pas tout à fait des médias libres tels qu'on peut les connaître en France. En France, vous n'avez personne qui relit les éditos de Frederic Says, je ne suis pas sûre que ce soit complétement le cas pour les reportages de Sputnik ou RT», a-t-elle ainsi lancé à la volée, et sans s'embarrasser d'autre chose que son ressenti pour étayer son propos. Cet argument d'autorité lui aura toutefois permis de justifier le refus d'accréditation des journalistes des deux médias par l'Elysée, sans s'aventurer sur le terrain de l'entrave à la liberté d’informer, que lui reproche notamment le Syndicat national des journalistes.

«Avoir une carte de presse, ce n'est pas si difficile que ça»

Poursuivant son délicat numéro d'équilibriste, consistant à se placer en défenseur de la liberté de la presse tout en attaquant frontalement des médias dont les journalistes disposent d'une carte de presse, Sibeth Ndiaye a donc remis sur la table l'idée d'un «conseil déontologique» au sein de la profession, qui serait à même de juger qui est digne d'exercer ce métier et qui ne l'est pas. Une manière de dire que la Commission de la carte de presse, composée de représentants des éditeurs de journaux et de syndicalistes élus par les journalistes et qui est aujourd'hui chargée par la loi de délivrer cette fameuse carte, ne fait pas un travail satisfaisant aux yeux du gouvernement.

«Il y a ce sujet d'un conseil déontologique, qui est aujourd'hui en discussion. Je pense que si on ne fait rien, on finira par se faire tous avaler par la "fake news". Tout le monde pourra dire qu'il est journaliste, au fond, avoir une carte de presse, ce n'est pas si difficile que ça», n'a d'ailleurs pas hésité à lancer la porte-parole du gouvernement, s'ingérant sans sourciller au cœur du fonctionnement de ce «contre-pouvoir» qu'elle considérait plus tôt dans l'interview comme «indispensable».

Force est de constater que le gouvernement n'a pas abandonné l'idée avancée par le secrétaire d'Etat au numérique Cédric O, en juin dernier, de créer un «conseil de l'ordre des journalistes». Pourtant, à l'époque, face à la levée de boucliers de la profession, le secrétaire d'Etat avait immédiatement fait machine arrière.

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