Au soir du 11 octobre, les médias français sont quasi unanimes : Xavier Dupont de Ligonnès – soupçonné d'avoir tué sa femme et ses quatre enfants en 2011 à Nantes – a été arrêté à l'aéroport de Glasgow en provenance de Roissy-Charles-de-Gaulle. Après huit ans de cavale, le fugitif était enfin entre les mains des forces de l'ordre. D'abord publiée sur le site du Parisien, peu avant 21h, l'information est très vite reprise par tous les médias français, l'AFP comprise. RT France ne fait pas exception.
A l'heure où les lumières des rédactions s'éteignent, ce soir-là, la police britannique est formelle : elle affirme que les empreintes de l'homme interpellé et de Xavier Dupont de Ligonnès correspondent. S'il est méconnaissable, c'est qu'il aurait subi des opérations de chirurgie esthétique, selon «une source proche de l'enquête à France 3». Son passeport, au nom de Guy Joao, aurait été volé en 2014, selon Le Parisien. Il habiterait en région parisienne, à Limay, dans les Yvelines. Les spéculations vont bon train. Les articles se multiplient. Les enquêteurs français ne sont pas encore sur place.
Le 12 octobre au matin, les unes de certains quotidiens, Le Parisien en tête, ne laissent aucune place au doute. «Arrêté», titre ainsi le quotidien de la capitale, «Fin de cavale» pour Presse Océan, «De Ligonnès arrêté, Noyers se souvient» du côté de L'Yonne républicaine...
Seule La Provence, avec son point d'interrogation final, «Arrêté ?», semble se montrer plus prudente.
Mais rapidement, les médias français commencent à émettre des doutes sur la version acceptée la veille encore par tous. Europe 1 publie d'abord le témoignage d'un voisin du supposé Xavier Dupont de Ligonnès tôt dans la matinée. Les chaînes d'information en continu, elles aussi, se montrent moins catégoriques quant au fait qu'il s'agit bien du père de famille nantais. Un internaute, sur Twitter, a notamment immortalisé le changement de discours observé sur BFM TV, au fil des heures.
Les propos du procureur de Nantes, appelant à la prudence, sont eux aussi relayés par de nombreux médias. Une information vient vite mettre en cause le scoop de la veille : les empreintes digitales de l'homme arrêté ne correspondent que «partiellement» à celles du fugitif. Le passeport de Guy Joao n'a finalement pas été volé. Les témoignages des voisins de Limay continuent d'affluer, tous affirmant que la personne qui vivait à côté de chez eux n'avaient rien à voir avec le meurtrier présumé. Jusqu'à ce que tombent les résultats de l'analyse ADN : négatifs. Il ne s'agit pas de Xavier Dupont de Ligonnès.
La faute aux Ecossais ?
Vient l'heure du mea culpa. L'AFP se fend d'un tweet, promettant «un récit de l'enchaînement des faits ayant conduit à cette information erronée». Franceinfo se justifie en avançant «une incompréhension entre les polices écossaise et française» sur son site. Le chef du service police-justice de BFMTV doit répondre en direct : «Nos sources françaises nous disent que la police écossaise est affirmative.»
Les Ecossais nous ont dit et répété : c'est votre homme. La comparaison d'empreintes correspond. Et ce sans l'emploi du conditionnel
D'après Le Parisien du 12 octobre, à l'origine de la fausse nouvelle, c'est le bureau Interpol de Londres qui aurait transmis «aux autorités françaises une information selon laquelle Xavier Dupont de Ligonnès embarquerait sur un vol Paris-Glasgow le samedi 12 octobre, muni d'un passeport signalé volé en 2014». «Ce "tuyau" proviendrait d'une information transmise dans un premier temps à la police écossaise», précise le quotidien. La police française est par la suite informée que l'individu prévoit finalement d'avancer son voyage au 11 octobre. Toujours selon Le Parisien, la police française ne peut alors mettre en place en temps et en heure un dispositif de surveillance à Roissy Charles-de-Gaulle, lieu de départ du suspect. Elle contacte alors les autorités écossaises pour procéder à la vérification d'identité à l'atterrissage de l'avion. Guy Joao est ainsi appréhendé, alors que son épouse écossaise l'attendait dans le hall des arrivées, selon Le Parisien. Celui-ci a demandé des explications à «plusieurs sources haut placées françaises» pour comprendre l'imbroglio. Elles auraient confié : «Les Ecossais nous ont dit et répété : c'est votre homme. La comparaison d'empreintes correspond. Et ce sans l'emploi du conditionnel.»
Interrogé par20 minutes, une source policière pointe la méthodologie écossaise, qui pourrait avoir entraîné une confusion lors de la prise d'empreintes digitales. Elle explique que la police française, pour sa part, vérifie si le suspect a bien 12 points de comparaison pour valider ou non l'identité. «La technique est légèrement différente en Ecosse qui se concentre sur la rareté de certains points pour valider une identité», précise cette source.
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