France

Gonesse : une manifestation «en soutien à l'assassin» islamiste Mickaël Harpon interdite

Après l'attaque commise à la préfecture de police de Paris par l'islamiste Mickaël Harpon, une manifestation pour dénoncer «la désinformation médiatique» sur le sujet était prévue. Le ministre de l'Intérieur veut interdire le rassemblement.

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, a fait savoir sur Twitter ce 9 octobre que la manifestation prévue, selon ses termes, «en soutien à» Mickaël Harpon serait interdite : «La manifestation prévue à Gonesse en soutien à l'assassin de la préfecture de police est une infamie et une insulte à la mémoire de nos policiers. Je me suis entretenu avec le préfet du Val-d'Oise : le rassemblement va être interdit.»

Le ministre a également déclaré : «J’ai demandé à ce que les propos odieux tenus par son organisateur soient dénoncés au procureur de la République, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.»

Christophe Castaner réagissait ainsi à une polémique née la veille sur les réseaux sociaux : un candidat malheureux aux élections européennes de 2019, Hadama Traoré, qui s'annonçait comme «le candidat des banlieues» avait annoncé sur Facebook son intention d'organiser une manifestation le 10 octobre pour dénoncer «la désinformation médiatique et politique» dans l'affaire Mickaël Harpon. S'il condamnait l'«acte atroce et impardonnable» de l'assaillant, selon Hadama Traoré, il ne s'agissait pas d'«un extrémiste religieux», mais d'«un aulnaysien [les habitants d'Aulnay-sous-Bois] du 93».

Le «candidat des banlieues» autoproclamé, qui se présente également comme un «révolutionnaire» dans ses vidéos, appelait ses soutiens à se rassembler devant la mairie de Gonesse dans le Val d'Oise où résidait Mickaël Harpon et interroge sur sa page Facebook : «Comment se fait-il qu'un agent de l'action publique peut rester 20 ans catégorie C ? Quel moyen logistique et financier sont mis en place pour l'intégration des personnes en situation de handicap ?»

La personne qui ose dire que Mickaël Harpon était un terroriste animé par des revendications religieuses, je lui traite sa mère et je lui crache à la gueule

Pour Hadama Traoré, Mickaël Harpon «était une crème» qui était «brimé dans son travail», du fait de son handicap : «Il était discriminé parce qu’il était sourd. Ce contexte explique pourquoi il a craqué. Tous les faits que [les médias] donnent pour justifier son côté extrémiste auraient pu concerner les dix millions de Français de confession musulmane.»

Alors l'organisateur de la manifestation annonçait : «J’ai la haine. La personne qui ose dire que Mickaël Harpon était un terroriste animé par des revendications religieuses, je lui traite sa mère et je lui crache à la gueule… Après Mickaël, plus personne en France n’osera salir une religion du Livre.»

Ce rassemblement était néanmoins également censé rendre «hommage aux policiers assassinés», pour qui Hadama Traoré explique sur Facebook avoir «une pensée».

Dans une vidéo, Hadama Traoré appelait à manifester, et ce même si la préfecture du Val d'Oise n'autorisait pas le rassemblement et prévenait : «On a le bras long ! Toutes les communautés persécutées, on va faire la guerre ensemble, aux politiques et aux médias. Et on commence ce jeudi.»

Cette thématique de la victimisation remonte de plus en plus systématiquement dans nos quartiers

Dans la soirée du 9 octobre, France Info et BFM TV ont rapporté qu'Hadama Traoré avait été placé en garde à vue en Seine-Saint-Denis pour «menaces et actes d'intimidation sur une personne exerçant une fonction publique ou d'utilité collective, menaces de crime contre les personnes et outrage».

L'annonce de la manifestation avait provoqué l'inquiétude d'habitants de Gonesse qui appelaient la mairie pour s'en plaindre, ainsi que l'a relevé Le Figaro. Le cabinet du maire socialiste de la ville, Jean-Pierre Blazy, interrogé par le journal a déploré : «Plus que quelqu'un qui fait l’apologie du terrorisme, Traoré est un complotiste chevronné. C’est quelqu'un de délirant. Mais il n’empêche que son discours est dangereux, donc on n’a pas envie qu’il le scande sur le parvis de l’hôtel de ville… C’est indigne pour la communauté musulmane de Gonesse et les victimes.» Egalement interrogé par Le Figaro, le député divers gauche du Val d'Oise, François Pupponi, renchérissait : «Cette thématique de la victimisation remonte de plus en plus systématiquement dans nos quartiers.»

La préfecture du Val d'Oise attendait-elle la réaction de Castaner ?

Ces propos d'Hadama Traoré intervenaient le même jour que ceux du président de la République qui avait exhorté la nation entière à combattre «l'hydre islamiste» à l'occasion d'un discours au ton presque martial prononcé dans la cour de la préfecture de police de Paris devant les cercueils des quatre victimes de l'assassin islamiste radicalisé.

Contactée par RT France, alors que le ministre de l'Intérieur ne s'était pas encore exprimé au sujet du rassemblement, la préfecture du Val d'Oise n'avait pas souhaité répondre dans l'immédiat concernant l'autorisation de manifester ou pas à Gonesse le 10 octobre, mais sur Twitter, la députée Les Républicains des Hauts-de-Seine, Constance Le Grip assurait qu'une sénatrice s'était entretenue avec le cabinet du préfet et que ce dernier ne comptait pas s'opposer à la manifestation : «La sénatrice J. Eustache-Brinio révèle que la Préfecture du Val d'Oise ne compte pas s'opposer à une manifestation demain à Gonesse en soutien au tueur de la Préfecture de Police ! Scandaleux ! Est-ce comme cela que l'on combat "l'hydre islamiste" ?»

Antoine Boitel

Lire aussi : Obligation de quitter le territoire vs. séjour prolongé : Castaner évoque l'imam fiché de Gonesse