France

Refus d'accréditation de médias : des politiques se rebiffent... contre la liberté de la presse ?

Rassemblement national, Convention de la droite, France insoumise, La République en marche, Modem... plusieurs partis, mouvements ou courants politiques semblent suivre une tendance, celle de bloquer certains médias. Mais ne se discréditent-ils pas ?

RT France la connaissait déjà, d'autres médias semblent la découvrir : la tendance du moment à refuser à un média de participer à un événement ou à des conférences de presse politiques.

Dernièrement, la Convention de la droite organisée par le magazine de droite conservatrice L'Incorrect, prévue le 28 septembre avec la présence notamment de Marion Maréchal, Eric Zemmour et Raphaël Enthoven, a dû faire marche arrière après un refus d'accréditation. Des journalistes de L'Opinion, L'Express et Libération, s'étaient vu en premier lieu refuser leur demande d'accès pour couvrir la rencontre. Ils avaient été jugés «agressifs et dénigrants», selon l'un des organisateurs de l'événement, Jacques de Guillebon, le directeur de la rédaction du mensuel, d'après l'AFP.

Un conseil : la prochaine fois que RT France est censuré par Macron, j’attends vos cris d’orfraie

Selon des échanges de textos que l'AFP s'étaient procurés, Jacques de Guillebon reprochait au journaliste de Libération d'avoir «maltraité certains des organisateurs». Il estimait que les deux autres journalistes n'avaient «jamais pensé qu'à [leur] nuire» et étaient «rusées comme le serpent». Quant aux autres journalistes accrédités, ils sont «plus sympathiques avec nous», estimait Jacques de Guillebon, par ailleurs coprésident du conseil scientifique de l'école de sciences politiques fondée à Lyon par l'ancienne députée Front national (devenu Rassemblement national) Marion Maréchal.

Sauf que plusieurs médias et invités ont menacé de boycotter l'événement. «Cette polémique n'a pas lieu d'être. Tous les journaux nationaux seront accrédités», a finalement écrit le 25 septembre sur son compte Twitter la Convention de la droite, organisée par L'Incorrect, «Racines d'Avenir» du militant du parti Les Républicains Erik Tegnér et le réseau d'entrepreneurs «Cercle Audace», tous proches de l'ancienne élue Marion Maréchal.

Erik Tegnér se scandalise sur Twitter de cette polémique : «Depuis hier la presse s’agite : "oh, nous serions de méchants fachos qui censurent des journalistes !!" Soufflez un coup : tout le monde sera accrédité (dans la mesure du possible) ! Un conseil : la prochaine fois que RT France est censuré par Macron, j’attends vos cris d’orfraie.»

Cas similaire, le Rassemblement national avait temporairement retiré son accréditation à Libération lors de son université d'été à Fréjus mi-septembre, avant de se raviser après des protestations. Le RN avait peu apprécié un article du quotidien sur le maire de la ville David Rachline.

Indignation sélective ?

Finalement, le journal Libération a été réintégré. Ce qui n'est toutefois pas le cas de Mediapart et l’émission Quotidien sur TMC, toujours refusés des événements FN/RN depuis 2012. En avril, une journaliste de Mediapart avait par exemple été refoulée d'un meeting de la présidente du RN Marine Le Pen près de Rennes au motif que les journalistes du site d'informations étaient «des militants politiques, pas des journalistes». Mediapart avait alors dénoncé un parti d'extrême droite «hostile à la liberté de la presse». Au second tour de la présidentielle en 2017, une quinzaine de médias avaient été également interdits d'assister à la soirée électorale du parti.

Le 23 septembre, le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a fait savoir sur son blog que Quotidien ne se verrait plus attribuer d'accréditation pour ses événements, accusant l'émission d'avoir permis le procès qu'il juge «politique» qui s'est déroulé les 19 et 20 septembre.

Les médias d’extrême droite ne sont jamais accrédités par LFI, et RT France n’est jamais accrédité par l’Elysée

Dans Libération, l'ancienne cadre de La France insoumise Raquel Garrido balaye les accusations de l'atteinte à la liberté de la presse. Elle justifie par exemple le refus de La France insoumise d'accepter Quotidien dans les futurs événements. Ses journalistes auraient en effet «violé une règle déontologique bien établie». Ainsi Raquel Garrido va jusqu'à justifier les éventuels refus d'accréditation : «Si les organisateurs n’avaient le droit que de répondre "oui", on ne parlerait plus d’accréditation, n’est-ce pas ? Tous les jours, des choix sont opérés, pour moult raisons, par exemple si les lieux sont trop exigus, ou si la ligne éditoriale de l’organe de presse est incompatible avec les valeurs de l’organisateur. Les médias d’extrême droite ne sont jamais accrédités par LFI, et RT France n’est jamais accrédité par l’Elysée. Que je sache, cela n’a pas soulevé un vent d’indignation dans votre profession.»

A lire les propos de l'ancienne cadre de LFI, l'indignation sélective des journalistes français n'est un secret pour personne, y compris pour les politiques. Or si même les journalistes ne sont pas solidaires entre eux, comment attendre des hommes et femmes politiques qu'ils respectent la profession ? 

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