S'adressant ce 16 septembre aux députés et sénateurs de sa majorité, ainsi qu'à l'ensemble du gouvernement, lors d'une réunion à huis clos dans les jardins du ministère chargé des relations avec le Parlement, Emmanuel Macron a annoncé quels étaient les dossiers auxquels il souhaitait donner la priorité au cours de la seconde partie de son quinquennat. Entre autres grandes lignes qui devraient guider ses futurs choix politiques, le président de la République a particulièrement insisté sur le dossier migratoire qui, comme le rapporte l'AFP, fera l'objet d'un débat parlementaire prévu les 30 septembre et 2 octobre.
En prétendant être humaniste on est parfois trop laxiste
Rappelant que les flux d’entrée n’avaient «jamais été aussi bas en Europe» et que les demandes d’asile «jamais aussi hautes en France», le chef de l'Etat a affirmé vouloir se garder de toute forme de permissivité excessive : «En prétendant être humaniste on est parfois trop laxiste», a-t-il en effet déclaré avant d'ajouter : «Nous n'avons pas le droit de ne pas regarder ce sujet [de l'immigration] en face [...] Je crois en notre droit d’asile mais il est détourné de sa finalité par des réseaux, des gens qui manipulent. Si nous le regardons pas en face, nous le subirons. Cela donne quoi ? Des quartiers où le nombre de mineurs non accompagnés explose.»
La question est de savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas. Les bourgeois n'ont pas de problème avec [l'immigration] : ils ne la croisent pas
Estimant que «la gauche n'a[vait] pas voulu regarder ce problème pendant des décennies», Emmanuel Macron a alors déploré le fait que les classes populaires aient «migré vers l’extrême droite». Et le président de poser l'équation en ces termes : «La question est de savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas. Les bourgeois n'ont pas de problème avec [l'immigration] : ils ne la croisent pas. Les classes populaires vivent avec.»
«Le grand illusionniste», «un strabisme tragique»...
Le discours du président de la République n'a pas tardé à provoquer de vives réactions au sein de l'opposition politique, à droite comme à gauche.
Au sein du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen a affirmé qu'elle ne «croyait pas» aux propos d'Emmanuel Macron sur le dossier migratoire, estimant qu'il était «en campagne présidentielle». «On a eu un débat sur l'immigration il y a quelques mois me semble-t-il à l'Assemblée nationale. Toutes les propositions que nous avons mises sur la table pour empêcher ce détournement, notamment, du droit d'asile […] ont été blackboulées par les députés En Marche», a-t-elle déclaré ce 17 septembre à l'antenne de BFMTV/RMC.
Jean Messiha, membre du Bureau national, ne semble pas, lui non plus, avoir été convaincu par le discours d'Emmanuel Macron, qualifiant celui-ci d'«immigrationniste» : «Macron s’en fout de l’immigration [...] il ne se fout pas du pouvoir. Or pour conserver ce pouvoir, il faut parler aux Français de leur vécu. Et ce qu’ils vivent c’est un malaise identitaire historique lié à l’immigration délirante», a-t-il écrit dans un tweet, estimant lui aussi que «Macron prépar[ait] 2022».
Même son de cloche du côté des Républicains (LR), chez qui le sénateur Bruno Retailleau a par exemple décrit Emmanuel Macron comme «le grand illusionniste». «Les mots sont toujours plus forts que les actes. Il semble faire, mais en réalité il fait semblant», a-t-il ajouté à l'antenne de France Inter.
«Les Français comprendront qu’il s’agit d’une tactique», a également estimé le député LR du Vaucluse Juliean Aubert.
Chez les verts, l'ancien maire de Grande Synthe (où près d'un millier de personnes sont évacuées ce 17 septembre d'un campement de migrants par les forces de l'ordre) et désormais eurodéputé Damien Carême s'est montré déçu par celui qui s'était présenté en «candidat démocrate [face à] une candidate d’extrême-droite» avant d'ajouter : «Il n’en est rien ! Emmanuel Macron, en plus de manier sa rhétorique, mène les politiques de l’extrême-droite ! J’ai mal à mon pays !»
A gauche, le député des Landes Boris Vallaud a considéré dans un tweet que «ne pouvoir regarder le "problème" de l'immigration qu'en regardant à l'extrême droite» constituait «un strabisme tragique».
La députée insoumise de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain a pour sa part déclaré qu'en se prétendant «rempart à l'extrême droite [tout en] repren[ant] ses thèses sur l'immigration», le président de la République jouait «les illusionnistes».
Emmanuel Macron utiliserait le thème de l'immigration «pour faire peur» mais les électeurs «préfèrent l'original à la copie», a de son côté estimé la sénatrice Eliane Assassi, présidente du groupe CRCE (à majorité communiste) au Palais du Luxembourg.