France

Précarité, désert médical... En colère, les urgentistes poursuivent la grève en été

La grève des urgentistes se poursuit dans de nombreux hôpitaux depuis près de cinq mois. Initié en région parisienne en mars 2019, le mouvement social s'est étendu en province. RT France fait le point avec des acteurs et observateurs de la lutte.

Au mois de mars 2019 débutait un mouvement de contestation d'une ampleur inédite au sein des services français d'urgences hospitalières. Témoignant d'un profond malaise dans la profession, et massivement plébiscitée par les citoyens français selon un sondage daté de fin juin, la grève des urgentistes suit son cours en cette période estivale. Des commentateurs et acteurs du mouvement social en ont exposé leur analyse à l'antenne de RT France.

On court tous les jours, on ne remplit pas notre mission car on est en sous-effectif [...] c’est une honte

Evoquant «une colère de terrain qui remonte à il y a plus de 10 ans», Candice Lafarge, aide-soignante et membre du collectif inter-urgences, énumère les quatre revendications des urgentistes. «On demande une revalorisation salariale à hauteur de 300 euros ; [la fin des] hospitalisation[s] "brancard", on ne veut plus que par manque de lits, nos patients [attendent] sur un brancard qui coûte 1 200 euros par journée d’hospitalisation ; 10 000 emplois à temps complet sur le terrain ; l'arrêt des fermetures de SAMU sur toute la France», explique-t-elle.

«Précarité, agressivité des patients, hospitalisations "brancard"...», l'aide-soignante fait état d'une situation critique au sein de la profession. «On court tous les jours, on ne remplit pas notre mission car on est en sous-effectif, on communique de moins à moins avec nos patients, c’est une honte», affirme-t-elle.

Jean-Marie Godard, journaliste et auteur du livre Bienvenue aux urgences (éd. Fayard) paru en mars 2019, décrit à RT France les causes, selon lui, du malaise qui traverse la profession. Il pointe par exemple une «hausse exponentielle» de la fréquentation des urgences pour «un budget qui reste le même» : «On est passé de sept millions de patients à la fin des années 1990, à plus de 21 millions aujourd’hui». Ce phénomène, le journaliste l’explique notamment par une évolution sociétale : «Le médecin d’avant, qui était un peu le médecin de famille, se déplaçait à 23 heures, on pouvait le déranger [...] Il y a une nouvelle génération de médecins qui veulent avoir une vie en dehors […] A l’hôpital, c’est la même chose : les internes qui arrivent aujourd’hui n’ont plus envie de se tuer au travail et c’est normal, ils ont envie d’avoir une vie à côté».

Les urgences sont un peu le cul-de-sac de tout ce qui ne marche pas à l’extérieur

Et Jean-Marie Godard d'évoquer l'augmentation des tâches qui incombent aux urgentistes. «Les urgentistes aujourd’hui se retrouvent à faire de la gestion des personnes âgées dépendantes à la place des EHPAD [non] médicalisées, [ils doivent gérer] des SDF qui viennent parce qu’ils n’ont pas d’autres endroits où aller», rapporte-t-il, avant de résumer ainsi la situation : «Les urgences sont un peu [devenues] le cul-de-sac de tout ce qui ne marche pas à l’extérieur.»

En outre, regrettant un manque de moyens, le journaliste décrit des situations différentes selon les zones géographiques. Il explique par exemple que dans certaines zones en province où «il n’y a plus de médecin de ville, l’hôpital devient [mécaniquement] le médecin de ville».

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