L'association de consommateurs SumOfUs vient de publier ce 8 juillet un rapport accusant le groupe international français spécialisé dans l'assurance AXA de «finance[r] des crimes de guerre» en Israël. Les auteurs du rapport affirment qu'une filiale du groupe, AXA Equitable Holdings, a investi plus de 91 millions de dollars dans six sociétés israéliennes impliquées dans l’occupation israélienne des territoires palestiniens.
En particulier, AXA investirait dans la société Elbit Systems, le plus grand fabricant d’armes israélien, «qui produit également des armes interdites par le droit international» selon SumOfUs.
SumOfUs se définit comme une «communauté de personnes engagées pour limiter le pouvoir grandissant des entreprises à travers le monde» et dispose d'un réservoir de 15 millions de sympathisants susceptible de voter pour ses pétitions. Elle s'est appuyée sur les investigations de l'ONG néerlandaise Profundo, une société à but non lucratif effectuant «recherche et conseil» pour contribuer à la «justice sociale». Profundo a puisé ses informations dans «la base de données financières Thomson Eikon», a communiqué ses notes de recherches en novembre 2018 et les a mises à jour en mars 2019. L'ONG déclare toutefois ne pas pouvoir affirmer que ces données ne sont pas exemptes d'erreurs et les donne à «titre informatif».
AXA affirmait en 2017 pratiquer une «politique de groupe sur les armes controversées»
La filiale d'AXA aurait fourni «1,2 million de dollars» à Elbit, la plus grande société d’armement israélienne, si l'on en croit les données récoltées en mars 2019 citées par le rapport de SumOfUs.
Elbit assure également «un soutien logistique aux infrastructures de l’occupation», comme le mur de séparation entre les deux territoires, «jugé illégal par la Cour internationale de justice en 2004», indique SumOfUs. La rapport met particulièrement l'accent sur les «bombes à sous-munitions interdites par le droit international, en plus d’armes controversées comme le phosphore blanc», produites par Elbit. Selon SumOfUs, ce puissant marchand d'armes fabrique 85 % des drones utilisés par l’armée israélienne.
AXA affirmait pourtant, dans un communiqué datant de janvier 2017, pratiquer une «politique de groupe sur les armes controversées» et avoir pris des mesures pour mettre «fin à ses liens avec les fabricants de bombes et balles à sous-munitions, d’armes chimiques et biologiques et de leurs composants».
La réalité était bien plus complexe. AXA Investment Managers, une filiale appartenant totalement à AXA, a vendu toutes ses parts dans le fabricant d’armes le 31 décembre 2018. A cette époque, une campagne appuyée par une pétition appelant AXA à se désengager faisait rage. La nouvelle a été rendue publique en avril 2019, et AXA a déclaré à Bastamag que la compagnie avait «pris la décision de désinvestir d’Elbit Systems lorsqu’ils ont acquis une société qui produit des armes à sous-munitions».
Mais la compagnie AXA reste encore liée à Elbit Systems via sa filiale AXA Equitable Holdings, qui détient aujourd'hui 31,7% des parts d'Alliance Bernstein (AB), qui a investi des fonds auprès d'Elbit. Même si AXA a cédé la moitié des parts d'AB, il en reste que leurs intérêts financiers sont encore mêlés, fait dénoncé par SumOfUs.
Des banques soutenues par AXA financeraient des activités économiques dans les colonies
Avec l'aide de Profundo, SumOfUs a par ailleurs identifié des versements présumés d'AXA dans cinq banques plusieurs fois épinglées dans d'autres rapports : Hapoalim, Leumi, Mizrahi Tefahot, First International Bank of Israel et Bank Israel Discount. L'organisation a établi plusieurs tableaux répertoriant les fonds investis dans les banques israéliennes œuvrant dans les territoires occupés.
La compagnie d'assurances française, interrogée par Mediapart à cet endroit, a répliqué : «AXA ne finance ni activité ni entreprise faisant l’objet de sanctions de la part des autorités internationales. Nos investissements en Israël n’ont absolument pas vocation à financer l’extension des territoires occupés».
Pourtant, un précédent rapport avait déjà mis en évidence le soutien de ces banques israéliennes à des activités économiques dans les colonies : en 2017, une recherche émise par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), la CGT, l’Association France Palestine Solidarité ou encore CCFD-Terre Solidaire avait mis en lumière les activités en question. Elle s'était appuyée sur les dossiers de «Who profits», un «centre de recherche indépendant qui étudie le rôle du secteur privé dans l'économie de l'occupation israélienne».
Ainsi, parmi d'autres exemples, selon ses données, la banque Hapoalim financerait des programmes de construction de logements dans les colonies des territoires palestiniens occupés et accorderait des crédits aux entreprises présentes dans les colonies.
La controverse liée à ces cinq banques israéliennes a conduit certains établissements financiers occidentaux à y cesser leurs investissements. C'est le cas du fonds de pension néerlandais PGGM et du fonds de pension luxembourgeois FDC, qui ont exclu en 2013 et 2014 ces cinq banques israéliennes de leur liste, pour ne citer qu'eux.
AXA déclare ne financer «ni activité ni entreprise faisant l’objet de sanctions de la part des autorités internationales»
Contacté par RT France, Julien Parot, directeur des relations presse d’AXA, réagit aux accusations de SumOfUs : «Depuis plusieurs années, un groupe d’activistes appelant au boycott de l’Etat d’Israël fait circuler des affirmations parcellaires voire mensongères sur certains investissements du Groupe AXA en Israël. Ils nous accusent de financer la production d’armes controversées et l’extension des territoires occupés via des investissements dans le Groupe industriel Elbit Systems et dans des banques israéliennes.»
Le directeur des relations presse affirme qu'AXA a «une des politiques d’investissement responsable les plus complètes et les plus avancées du secteur financier», en citant, à l'appui, la transparence affichée par le groupe sur son site.
«Conformément à cette politique, AXA ne finance ni activité ni entreprise faisant l’objet de sanctions de la part des autorités internationales», poursuit Julien Parot, en précisant que les investissements du groupe en Israël n’avaient «absolument pas vocation à financer l’extension des territoires occupés». «Toujours conformément à cette politique, le Groupe AXA ne finance pas la production d’armes prohibées par le droit international», rapporte-t-il également. Et d'ajouter qu'AXA avait pris la décision de «désinvestir d’Elbit Sytems lorsqu’ils ont acquis une société qui produit des armes à sous-munitions».