La secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, aurait-elle perdu la mémoire ? Présente dans le studio de Radio Classique, face à Guillaume Durand le 3 juillet, l’ancienne conseillère municipale du Mans a déclaré, à propos des nominations récentes aux postes clefs de l’Union européenne, dont celle de Christine Lagarde à la tête de la Banque centrale européenne : «Nous visons un moment historique : deux femmes à la tête de l’Europe, grâce au président Emmanuel Macron qui a fait de la parité un enjeu de ces nominations. Rappelons aussi les grandes compétences de Christine Lagarde !»
Mais lorsqu’on s’intéresse de plus près aux déclarations de la ministre, un tweet daté de fin 2016, alors qu’elle était adjointe au maire du Mans, refait surface. «Lagarde. Il ne s’agit pas de "négligence" mais de "détournement de fonds publics commis grâce à…"», avait-elle écrit sur le réseau social.
Le message était accompagné d’un lien menant à une publication Facebook mise en ligne sur le profil de la secrétaire d’Etat. Malheureusement, lorsque l’on essaye d’accéder à ladite page, un message apparaît : «Désolé, ce contenu n’est pas disponible actuellement. Le lien que vous avez suivi a peut-être expiré ou la page n’est peut-être accessible qu’à une audience dont vous ne faites pas partie».
Un internaute, constatant que la publication avait été supprimée, a d’ailleurs apostrophé la ministre, le 4 juillet, lui demandant si elle assumait ses propos. Le message est resté sans réponse.
Un arbitrage à 400 millions d'euros pour le contribuable
Marlène Schiappa aurait-elle donc supprimé son poste ? Contacté par RT France à de multiples reprises, le service de presse de la secrétaire d'Etat n’a pas donné suite à nos demandes. Toujours est-il que cette publication coïncide avec le verdict rendu par la Cour de justice de la République (CJR), fin décembre 2016, qui avait reconnu la présidente du FMI coupable de «négligence» dans le cadre de l’arbitrage Tapie. La CJR lui avait reproché de ne pas avoir fait de recours à l’été 2008, alors que venait de tomber la sentence arbitrale attribuant à Bernard Tapie plus de 400 millions d’euros dont 45 millions pour indemniser le «préjudice moral» qu’aurait subi l’homme d’affaires.
La CJR avait confirmé que la décision d’accepter cette décision sans mener bataille «a été l’une des causes déterminantes» du détournement de fonds publics dont a bénéficié l’ancien président de l’Olympique de Marseille. Mais malgré cette culpabilité avérée, la CJR avait estimé à l’époque que la «personnalité» de Christine Lagarde et sa «réputation internationale», ainsi que le fait qu’elle bataillait alors contre une «crise financière», justifiaient une dispense de peine et d’inscription à son casier judiciaire. Elle risquait un an de prison et 15 000 euros d’amende.
«Comment voulez-vous expliquer aux citoyens qu’il y a des gens qui ont gaspillé 400 millions d’euros mais qui n’ont rien inscrit à leur casier judiciaire ?», s’était alors indigné le président de l’association de lutte contre la corruption Anticor, Jean-Christophe Picard. La CJR, juridiction créée en 1993, avait pour objectif de mettre fin à l’impunité des ministres pour des délits ou des crimes commis dans l’exercice de leurs fonctions. Mais force est de constater que, depuis sa mise en place, seulement quatre ministres ont été condamnés, parmi lesquels l’ancien secrétaire d’Etat Edmond Hervé, jugé en 1999 pour le scandale du sang contaminé. Il avait lui aussi bénéficié d’une dispense de peine.
Plus récemment, la CJR avait classé sans suite 500 plaintes déposées contre le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, pour «entrave à la liberté de manifester» (article 431-1 du code pénal) après des propos tenus par l'intéressé, le 11 janvier, sur le média en ligne Brut.
Alexis Le Meur
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