Trois mois après l'attaque de deux surveillants par un détenu radicalisé, deux personnels pénitentiaires ont été pris en otage le 11 juin au centre ultra-sécurisé de Condé-Sur-Sarthe (Orne) par celui que l'administration pénitentiaire présente comme le «champion de la prise d'otage carcérale». Celui-ci s'est finalement rendu peu après minuit. Le dénouement est intervenu peu après 0h30 et les deux surveillants sont «sains et saufs», selon la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP).
La prise d'otages avait commencé vers 19h40, nécessitant l'intervention des équipes du RAID et des ERIS (équipes régionales d'intervention et de sécurité) dans ce centre de détention qui abrite des détenus particulièrement dangereux, radicalisés ou posant des problèmes de discipline. «Un premier surveillant avait été libéré vers 23h30» et «la seconde surveillante a été libérée au moment où le détenu s’est rendu», a précisé le ministère de la Justice, adressant «tout son soutien aux agents de l'administration pénitentiaire qui ont su faire preuve d’un grand professionnalisme».
Le «champion de la prise d’otage carcérale»
Le détenu, Francis Dorffer, libérable en 2060, coutumier de ce type de faits, avait pris en otage un surveillant et une stagiaire, le 11 juin dans la soirée au moment du repas, armé «visiblement d'une arme artisanale, un pic», selon une source syndicale pénitentiaire. «Il s'agit d'un détenu de 35 ans qui a sollicité son transfert et qui a cru bon de prendre en otage deux surveillants qu'il a enfermé dans sa propre cellule», a expliqué François Coudert, le procureur de la République d'Alençon, présent sur les lieux.
«Lors de sa reddition il s'est débarrassé d'armes que l'on peut qualifier d'artisanales, notamment une paire de ciseaux, une fourchette ou encore un autre objet en plastique qui peuvent être potentiellement dangereux pour les personnes prises en otages», a ajouté le procureur qui a précisé que le détenu a été aussitôt placé en garde à vue pour séquestration.
Selon plusieurs syndicats de surveillants, Francis Dorffer, né en 1984, est un «coutumier» des prises d'otages. Classé «DPS» (détenu particulièrement signalé), selon le ministère de le Justice, il est connu pour troubles psychiatriques mais «n’est pas incarcéré pour des faits de terrorisme». Incarcéré depuis ses 16 ans dans une vingtaine de prisons différentes après des condamnations pour vols, viol et assassinat d'un codétenu, Francis Dorffer est aux yeux des personnels de l'administration pénitentiaire le «champion de la prise d'otage carcérale».
Son nom est associé à au moins cinq autres prises d'otages. En 2006, il avait retenu une psychiatre à la prison de Nancy, en 2009 un surveillant à Clairvaux (Aube), en 2010 un psychiatre à la Santé (Paris) et en 2011 un gardien à Poissy (Yvelines).
Un profil psychiatrique «très lourd»
De source pénitentiaire, Francis Dorffer est suivi «pour radicalisation mais au sens très large de la radicalisation. […] C'est un profil psychiatrique très lourd». En avril 2018, il a été condamné à Colmar à 12 ans de prison pour avoir pris en otage un surveillant et tenté de s'évader de la maison centrale d'Ensisheim (Haut-Rhin), en juin 2017.
Selon Emmanuel Guimaraes, délégué national FO pénitentiaire, «l'administration l'avait classé auxiliaire, c'est-à-dire qu'il avait la possibilité, la charge de distribuer les repas pour les détenus donc il avait des accès à plus de lieux en général», un statut attribué aux «détenus de confiance».
Agression de surveillants dans la prison en mars
Un détenu de cet établissement, Michaël Chiolo, 27 ans, avait agressé le 5 mars deux surveillants de la prison avec un couteau en céramique. L'assaillant s'était radicalisé en prison alors qu'il purgeait une peine de trente ans. Pendant l'opération, il s'était retranché avec sa compagne pendant près de dix heures dans l'unité de vie familiale (UVF) de la prison.
Après de vaines tentatives de négociations, les forces d'élite de la police avaient lancé l'assaut, et tué la compagne de Michaël Chiolo, Hanane Aboulhana. Michaël Chiolo, qui n'avait pu être entendu par les enquêteurs en raison de ses blessures, a été mis en examen le 29 avril près de trois mois après les faits par un juge antiterroriste. Quatre de ses codétenus avaient déjà été mis en examen le 22 mars dans le cadre de cette enquête, dont Jérémy Bailly, membre de la filière djihadiste de Cannes-Torcy
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