L'implication de la France dans la guerre au Yémen continue de faire débat. Lors des questions au gouvernement du 7 mai, le député communiste Jean-Paul Lecoq a interpellé le Premier ministre sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite, en conflit depuis 2015 avec les rebelles houthis au Yémen. «Depuis 2015, la coalition militaire emmenée par l’Arabie saoudite pour écraser la rébellion yéménite a créé ce que l’ONU a appelé la "pire crise humanitaire du monde". Plus de 60 000 personnes ont été tuées et plus de 16 millions de yéménites sont menacés de famine», a-t-il exposé.
«Monsieur le Premier ministre, nombre de démocraties qui font du commerce d’armes le font sous le contrôle de leur Parlement. En Allemagne, le Parlement a décidé de geler, depuis octobre 2018, les ventes d’armes à l’Arabie saoudite y compris en interdisant les matériels militaires d’autres pays utilisant des composants allemands. Une dizaine d’autre pays l’ont fait parce que le risque est avéré. La réponse que le ministre des armées [Florence Parly] a faite au Sénat à ce sujet récemment n’est pas crédible», a-t-il poursuivi, ajoutant qu’Edouard Philippe ne pouvait pas «garantir aux Français que les armes fabriquées dans notre pays ne sont pas utilisées pour ces horreurs». Il a également appelé à «changer la loi» afin de faire du parlement un acteur central «du contrôle des exportation d’armes».
Déni gouvernemental
Reponse de Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Armées : «Le gouvernement n’a jamais nié l’existence d’armes d’origine française au Yémen et Florence Parly l’a dit et je le répète aujourd’hui, c’est que nous n’avons pas de preuves que ces armes sont employées contre les populations civiles. Et croire que cet horrible conflit disparaitrait si la France mettait fin à son partenariat avec l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis est faux.»
Or, des documents confidentiels de la direction du Renseignement militaire (DRM), datant de l’automne 2018 révélés par le site d’investigation Disclose, ainsi que par la cellule investigation de Radio France, montrent que des canons Caesar seraient toujours stationnés à la frontière saoudienne. Leur portée, supérieure à 40 kilomètres, permettrait d’atteindre le nord du Yémen, contrairement à ce qu’affirmait Florence Parly le 30 octobre 2018 chez Jean-Jacques Bourdin, le 20 janvier sur France Inter ou plus récemment le 18 avril sur Radio Classique.
Selon Mediapart, qui a pu consulter cette note, il y est clairement stipulé que ces canons «appuient les troupes loyalistes et les forces armées saoudiennes dans leur progression en territoire yéménite», ne laissant aucun doute quant à leur utilisation. Le site d’investigation, s'appuyant sur ses propres recoupements, estime à 35 le nombre de civils morts dans la zone de portée des Caesar.
Fustigeant «la diplomatie du porte-monnaie», l’élu de Seine-Maritime a également demandé des précisions sur le chargement d’un cargo saoudien qui devrait amarrer dans le port du Havre. Geneviève Darrieussecq a alors rétorqué que la ville normande constituait un «grand port français» et qu'il n'était «pas étonnant qu’un cargo saoudien s’y arrête». Un doute dissipé dès le lendemain par la ministre des Armées Florence Parly le 8 mai, sur BFMTV : «Il y aura chargement d'armes en fonction et en application d'un contrat commercial.»
Des réponses loin de satisfaire le groupe communiste qui a décidé, accompagné des insoumis de Jean-Luc Mélenchon, de quitter l’hémicycle à la suite de l’intervention de la secrétaire d’Etat.
Le 15 avril, un collectif de personnalités politiques, en grande partie de gauche et comptant de nombreux membres de La France insoumise, avait dénoncé l'engagement français dans la guerre au Yémen dans une tribune publiée dans Libération intitulée «Mettons fin à l'implication de la France au Yémen !»
Alexis Le Meur