France

Nicolas Dupont-Aignan : «Il faudra bien, un jour, rassembler tous les patriotes» (ENTRETIEN)

Si le député de l'Essonne estime qu'«il faut déjà rassembler les patriotes de droite», il appelle à une vaste coalition, plus large. «Il faut rassembler tous ceux qui veulent sauver la France», précise la tête de liste de DLF à RT France.

Tête de liste de Debout la France (DLF) et Les Amoureux de la France pour les élections européennes, Nicolas Dupont-Aignan «regrette» l’éparpillement des forces souverainistes, eurosceptiques, eurocritiques ou anti-UE, à quelques semaines du scrutin. «Les forces européistes sont aussi très divisées, très éparpillées. Il ne faut donc pas dramatiser l’enjeu», se rassure-t-il toutefois.

Entre la création du parti Debout la République en 2008 (avant que celui-ci ne devienne Debout la France en 2014) et 2015, Nicolas Dupont-Aignan semblait être en faveur d'un rassemblement au-delà des clivages. Mais, depuis, le député de l'Essonne privilégie l’union des droites. Faut-il y voir un changement de stratégie ? Nicolas Dupont-Aignan réfute : «Non, je ne prône pas clairement l’union des droites. Je prône l’union des patriotes, ce n’est pas la même chose. Il faut déjà rassembler les patriotes de droite mais, aussi, au-delà de la droite, ceux de tout horizon. Je garde toujours la même idée et je demande à tous ceux qui veulent remplacer l’Union européenne par une Europe gaulliste, des nations, libre, et des projets concrets, de nous rejoindre.»

Pourtant, «l’union des droites», Nicolas Dupont-Aignan l'a bel et bien préconisée notamment en mai 2018, à deux reprises sur Twitter. Ce qui n'empêche pas l'ancien maire d'Yerres de matraquer : «Non, souvent les journalistes mettaient "union des droites" alors que, pour ma part, je disais "union des patriotes"». Reste à savoir si, prochainement, Nicolas Dupont-Aignan, va tendre des mains pour que les souverainistes soient réunis sous une même bannière. L'élu confirme : «Je passe ma vie à tendre la main. J’ai d’ailleurs pu réunir sur ma liste aux européennes, le Centre national des indépendants et paysans (CNIP), des députés anciennement républicains, des conseillers régionaux ex-Rassemblement national. Donc je maintiens ma pensée : il faut rassembler. Je me heurte simplement aux esprits de boutique. Mais on va y arriver un jour.»

Différences d'idées, question identitaire, alliance avec le FN... NDA peut-il vraiment unir les Républicains et gaullistes de tous bords?

Dans les paroles, il est certain que celui que d'aucuns surnomment NDA avait ouvert la porte à plusieurs alliances : en 2015, à Jean-Luc Mélenchon ou, en 2013, avec Arnaud Montebourg dans un gouvernement d'union nationale. Lors de sa campagne présidentielle en 2012, le parlementaire avait également demandé à Jean-Pierre Chevènement de le soutenir, l’invitant par ailleurs à l’université d’été de Debout la France (DLF) en 2015. Mais l'alliance des républicains des deux rives ne se concrétisera jamais. En 2019, y croit-il encore ? Nicolas Dupont-Aignan estime qu'«il n’y aura jamais une seule et même force» : «En revanche, il peut y avoir des coalitions ou des regroupements quand l’intérêt national est en jeu. La France est en danger. Nous devons rassembler. C’est la seule condition.»

Il faut inlassablement expliquer aux uns et aux autres que l’intérêt de la France passe avant l’intérêt de leur boutique ou de leur sectarisme

Néanmoins, au-delà des intentions, quand NDA soutient la présidente du Front national Marine Le Pen lors du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017, ne pense-t-il pas que ce ralliement peut rebuter les gaullistes sociaux à droite ou les républicains et gaullistes de gauche ?

«Au second tour de la présidentielle, il y avait un choix à faire entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. J’ai fait un choix. Pour autant, je garde mon indépendance d’esprit et j’explique désespérément – pardonnez-moi cette expression – aux gens de gauche qu’il faut arrêter de faire des fixations. Il faudra bien, un jour, rassembler tous les patriotes. Il faut inlassablement expliquer aux uns et aux autres que l’intérêt de la France passe avant l’intérêt de leur boutique ou de leur sectarisme.»

Autre point possible de divergence avec les républicains de gauche, sa coalition avec les Amoureux de la France – qu'il a créé en 2017 avec le Parti chrétien-démocrate et le CNIP, deux partis qui ne cachent pas certaines positions conservatrices au niveau sociétal. Est-ce aussi pour se mettre en concordance avec une ligne identitaire ?

«Mais ce n’est pas une question d’identitarisme ou d’assimilation», s'exclame Nicolas Dupont-Aignan. «C’est la question de la France», poursuit-il, avant d'expliquer : «Comme je l’ai dit avec les Amoureux de la France, il faut rassembler tous ceux qui veulent sauver la France. Après, chacun ses différences. Emmanuel Macron a bien réuni des gens qui ne pensaient pas de la même manière et il y est arrivé. Si les patriotes continuent de se diviser, on ne s’en sortira jamais. Emmanuel Macron est en train de tuer notre pays. Il faut que les patriotes, avec leur diversité et leur intelligence, abandonnent leur sectarisme, abandonnent leur prévention et se rassemblent.»

On est dans un pays – et vous en savez quelque chose - où on ne peut plus s’exprimer

A écouter Nicolas Dupont-Aignan, il semblerait que le seul problème résiderait dans une querelle de boutiques, empêchant ainsi toute convergence. «Non, il y a des nuances bien sûr. Mais, dans la vie, il faut différencier l’essentiel de l’accessoire», concède-t-il en précisant que c'est ce qu'il a essayé de faire avec sa liste européenne.

«Je n’ai pas tout réussi, mais on a bien avancé. Le Centre national des indépendants et paysans de Bruno North ne pense pas toujours comme moi sur les différents sujets. Mais nous avons en commun la morale, l’intégrité et l’intérêt de la France. Nous pouvons ainsi progresser. Nous avons des anciens Républicains, des anciens du Rassemblement national, des personnalités de la société civile. C’est le début d’un rassemblement. Il est clair que, autant Les Républicains de monsieur Wauquiez que le Rassemblement national de madame Le Pen, ne veulent pas d'une démarche de rassemblement. En effet, chacun défend sa boutique, chacun croit qu’il va gagner seul. Moi je pense qu’on gagnera tous ensemble.»

A droite, reste que l'union est aussi difficile. Chez Les Républicains (son ancien parti jusqu'en 2007), il existe également un courant gaulliste, avec Oser la France du député Julien Aubert. Un courant qui ressemble à celui que NDA a créé en 1999 et poursuivi dans les années 2000 au sein du RPR et de l’UMP avant la scission de 2007. Il transforme alors Debout la République (DLR) en parti. Pour Nicolas Dupont-Aignan, comparaison n'est pas raison quand on dresse un parallèle entre DLR et Oser La France : «La question majeure, ce sont les actes. Ce ne sont pas les paroles. Par exemple, monsieur Bellamy [tête de liste LR pour les européennes], que soutient monsieur Aubert, a une liste qui a voté tous les traités. Les députés européens qui seront élus avec monsieur Bellamy vont siéger au PPE, c’est-à-dire un parti fédéraliste, qui a gouverné pendant cinq ans avec les socialistes. Il y a un moment, si on est gaulliste, comme moi, on quitte Les Républicains. En effet, on ne peut pas se dire gaulliste et laisser un parti voter tous les traités qui ont construit cette mauvaise Europe. On ne peut pas se dire gaulliste et laisser monsieur Arnaud Danjean [eurodéputé LR depuis 2009], troisième sur la liste de monsieur Bellamy, voter les crédits de pré-adhésion de la Turquie, voter le pacte de Marrakech en 2018, voter l’impôt européen, voter le CETA. Voilà la réalité ! La réalité c’est que j’ai pour ma part quitté l’UMP il y a plus de dix ans parce que je ne pouvais plus être en contradiction avec la réalité des votes. Tous ces mouvements ne sont donc que des alibis. Je le dis aux électeurs : ne vous laissez pas trahir une autre fois.»

A quelques semaines du scrutin pour les élections européennes, Nicolas Dupont-Aignan juge-t-il cette élection comme essentielle ou mise-t-il davantage sur les élections municipales de 2020 ?

«Les élections européennes sont fondamentales pour la France et non pour Debout la France. Je souhaite que notre parti progresse pour expliquer aux Français qu’on ne peut pas continuer comme cela. Il n’y a pas toujours des succès, ce n’est pas toujours facile. Je constate toutefois que beaucoup de Français dans la rue viennent me voir et me disent : "Bien, continuez. Continuez à vous exprimer dans la liberté." On est dans un pays – et vous en savez quelque chose – où on ne peut plus s’exprimer. Quand j’ai parlé de l’affaire de Notre Dame, tout le monde m’est tombé dessus.»

«Aujourd’hui, on commence à s’apercevoir qu’il y a des choses qu’on nous cache. Aussi, quand j’ai parlé de monsieur Castaner [le ministre de l'Intérieur] qui manipulait l’opinion, on s’est moqué de moi. Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’il a été pris en flagrant délit de mensonge. Moi, je fais confiance dans la persévérance.»

Aujourd’hui, on me met entre 4% et 8%. On fera bien plus.

Depuis un an, DLF a pourtant légèrement baissé dans les sondages (le sondage Ifop/Fiducial du 2 mai 2019 donne DLF à 4,5% des voix. Début décembre 2018, l'institut Ifop plaçait DLF à 8% des suffrages).

Nicolas Dupont-Aignan juge que «les sondages, quand ils sont trop haut ou trop bas, ne signifient rien». Pour lui, «les sondages ne sont qu’une photographie tronquée, corrigée». «Je viens de prendre en flagrant délit la société Elabe, qui ne nous a mis que 4% alors que, dans ses mêmes calculs, elle nous met à 6% pour les femmes et à 5% pour les hommes», accuse-t-il.

«Les sondages ne valent rien. Quand il y a un sondage sur une présidentielle éventuelle, en reprenant les candidats de la dernière fois, je suis à 6%. Cela veut dire un progrès par rapport aux 4,70% que l’on a faits en 2017. Notre parti progresse tous les jours et fera un très bon score aux élections européennes. Aujourd’hui, on me met entre 4% et 8%. On fera bien plus.»

Je gêne parce que je dis la vérité sur beaucoup de sujets sur lesquels les femmes et les hommes politiques de notre pays sont, parfois, un peu, lâches

Et Nicolas Dupont-Aignan d'expliquer pourquoi son score sera selon lui plus élevé que les estimations actuelles : «Je gêne. Et je gêne parce que je veux justement mettre fin à cette idée absurde qu’il y aurait soit le Rassemblement national, soit Les Républicains. Que l’un, ou que l’autre. Je veux qu’on rassemble une vaste coalition. Je suis certain que c’est la seule voie possible. Je gêne parce que je dis la vérité sur beaucoup de sujets sur lesquels les femmes et les hommes politiques de notre pays sont, parfois, un peu, lâches.»

DLF a en effet peut-être une marge de manœuvre pour la dernière ligne droite, en tentant de convaincre les abstentionnistes, dont une partie pourrait être composée de souverainistes en puissance.

«Je crois que les abstentionnistes se trompent sur une chose. Ils croient, en ne votant pas, qu’ils punissent le régime et le système politique français. Or, c’est l’inverse qui se produit : en ne votant pas, ils rendent service à Emmanuel Macron. Il va pouvoir continuer sa politique terrible pour les Français. Je dis aux abstentionnistes : "Vous n’avez aucune raison de vous abstenir." Il y a 12 listes. Il y a l’embarras du choix. Il y a tout l’éventail politique français. Il y a des personnalités attachantes, différentes. Il y a des idées différentes. Donc, ne cassez pas la démocratie. Votez ! Vous savez, on parle beaucoup des manifestations mais qu’est-ce que ça prend comme temps d’aller voter ? 15 minutes, un dimanche.

De grâce, si 80% des Français allaient voter, la liste d’Emmanuel Macron, avec Nathalie Loiseau, serait inférieure à 8% des voix. Il y aurait un bouleversement politique. Je pense vraiment que l’on pourrait changer les choses, que l’on pourrait bouleverser la vie politique si les Français reprenaient le chemin des urnes. On a un scrutin proportionnel, à un tour, qui permet d’exprimer sa préférence.»

Nul doute : comme les autres partis, Les Amoureux de la France peuvent encore séduire du monde. Selon un dernier sondage IFOP du 30 avril, le camp des abstentionnistes représenterait près de 60% des électeurs.

Les propos ont été recueillis par Bastien Gouly.

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