Le corps médical va-t-il, comme il l'a décidé, priver d'alimentation et d'hydratation Vincent Lambert, ce patient plongé dans un état pauci-relationnel depuis 2008 après un accident de la route ? Le Comité des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l'ONU, saisi par les parents du patient, dont c'était le dernier recours, a demandé à la France de ne pas mettre à exécution ce projet le 3 mai.
Un improbable et poignant marathon judiciaire fait ballotter depuis six ans le sort de Vincent Lambert entre différentes instances susceptibles de délivrer des permis de vie ou des arrêts de mort. Le 30 avril dernier, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) avait validé l'arrêt de l'alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert, autorisé quelques jours plus tôt par le Conseil d'Etat.
C'était la quatrième fois que le Conseil décidait l'arrêt des soins par privation d'hydratation et de nourriture. Durant l'une des procédures, Vincent Lambert avait survécu à 31 jours de jeune imposé avant qu'un recours validé n'impose de le réalimenter. S'il ne peut s'exprimer et si ses mouvements sont quasi inexistants, Vincent Lambert peut ouvrir les yeux, tourner la tête et est capable de déglutir sans aide. Cet ancien infirmier, âgé aujourd'hui de 42 ans, patient cérébro-lésé lourdement handicapé, pourrait toutefois être stimulé et bénéficier de soins adaptés. Car selon Xavier Ducrocq, neurologue et professeur au CHU de Nancy, qui l'a examiné à plusieurs reprises, «depuis 6 ans qu’il nous est annoncé mourant, son état n’a même pas significativement évolué. Il respire seul, sans assistance [...] Tous ses organes vitaux fonctionnent bien et spontanément».
Mais depuis 2013, les projets de stimulation, soins de kinésithérapie ou autres expérimentations ont subi un coup d'arrêt. Plusieurs centres ont proposé de prendre le quadragénaire en charge, et de lui prodiguer les soins adaptés à son état, mais le corps médical s'y oppose. Vincent Lambert vit désormais dans une chambre fermée à clé, et les horaires de visite sont plus restreints qu'auparavant. Il a même été refusé aux parents d'accueillir leur fils chez eux afin de lui prodiguer les soins à leur domicile.
Le corps médical opiniâtre face aux parents
Cette improbable joute autour de la survie de Vincent Lambert oppose une partie de la famille de l'accidenté à son épouse Rachel, également sa tutrice légale, à son neveu François et aux cinq frères et sœurs de Vincent Lambert. Ces derniers s'appuient sur les déclarations de l'ancien infirmier qui, avant son accident, avait toujours fait part de son intention de ne jamais subir d'acharnement thérapeutique. De leur côté, les parents de Vincent Lambert, fervents catholiques, ont dénoncé l'«obstination déraisonnable» du docteur Sanchez du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims, qui persiste dans son intention de cesser les soins alors que plusieurs établissements ont déclaré être prêts à accueillir leur fils.
Le corps médical s'appuie sur la loi Léonetti de 2016, qui stipule que le médecin «doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie».
Pour les soutiens de Vincent Lambert, la loi Léonetti introduit subtilement l'autorisation de l'euthanasie. Le cas de Vincent Lambert va en outre plus loin, puisque l'avis du patient, qui n'est pas en fin de vie, n'est pas sollicité à cause de son état et que seul le corps médical a autorité pour décider à sa place.
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