Le 19 avril, le tribunal administratif de Châlons doit statuer sur l’arrêt des soins du patient Vincent Lambert, 41 ans, victime d’un accident de voiture en 2008 et plongé depuis dans un état dit pauci-relationnel.
La décision de justice sera certainement le point d’orgue d’une longue bataille juridique opposant depuis cinq ans les parents de Vincent Lambert, soutenus par une partie de la famille, opposé à ce qui équivaut selon eux à l'euthanasie de leur fils, et ses médecins ralliés par son épouse Rachel et son demi-neveu François Lambert, partisan de la mort assistée.
«Depuis 2013, il n’y a plus de projet de vie pour Vincent Lambert, mais un projet de mort», a plaidé maître Paillot, avocat des parents. En effet, tout projet de stimulation, de soins de kinésithérapie ou autres expérimentations ont été arrêtées dès 2013, et il a été décider d'arrêter son alimentation. Les parents de Vincent Lambert, fervent catholiques, dénoncent l'«obstination déraisonnable» du docteur Sanchez du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims qui persiste dans son intention de cesser les soins alors que plusieurs établissements ont déclaré être prêts à accueillir leur fils.
L'avocat du CHU de Reims a quant à lui dénoncé les pressions sur l’hôpital où est pris en charge Vincent Lambert, et la défense de la femme du patient a estimé qu'il était «pris en otage dans un état végétatif depuis dix ans».
Le docteur Vincent Sanchez avait lancé en septembre 2017 une procédure collégiale à la demande de François Lambert, afin de procéder à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation du patient. Le médecin a annoncé le 9 avril la décision du collège : l'arrêt des soins, qui condamne à mort son patient. Les parents de Vincent Lambert ont aussitôt déposé un recours en urgence au tribunal administratif, dont le caractère suspensif a empêché les médecins de mettre en œuvre leur procédure.
Le verdict du tribunal est attendu le 20 avril.
Un large comité de soutien, du pape à une coalition de médecins
A l’heure actuelle, l’état du patient est dit pauci-relationnel : il réagit très peu, ne peut se déplacer ou coordonner ses mouvements. Mais il a une aptitude à vocaliser et des capacités de déglutition. Sur les vidéos présentées par les parents, il entre en contact visuel prolongé avec ses proches. Des faits suffisants pour attirer aux parents une forte vague de solidarité.
Le pape en personne a affirmé le 18 avril lors de son audience sur la place Saint-Pierre son soutien à Vincent Lambert et à un enfant anglais se trouvant dans un état végétatif à cause d'une maladie rare.
«Je voudrais attirer de nouveau l'attention sur Vincent Lambert et sur le petit Alfie Evans», a-t-il déclaré. «Je voulais répéter et confirmer de manière forte que le seul maître de la vie, du début jusqu'à la fin naturelle, est Dieu. Et notre devoir est de tout faire pour protéger la vie», a ajouté le pape.
70 médecins ont également appelé dans une tribune publiée dans Le Figaro à placer Vincent Lambert dans un établissement spécialisé, estimant qu'il n'avait pas sa place à l'hôpital, et que les décisions prises par le corps médical équivalaient à «une euthanasie qui ne disait pas son nom».
Le comité de soutien du patient, «Je soutiens Vincent Lambert», est actuellement fort de plus de 94 000 membres.
Deux camps qui s'affrontent sans relâche devant les tribunaux
C’est la quatrième fois que la démarche d’arrêt d’alimentation et hydratation a été initiée, au grand dam des parents, qui ont réussi à faire annuler les décisions les trois autres fois. L'incroyable marathon judiciaire toujours en cours a convoqué jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
En 2013, l’ancien médecin de Vincent Lambert, le docteur Eric Kariger, avait pris la décision unilatérale d’arrêter l’alimentation et l’hydratation du patient sans même en référer à ses parents ou à ses frères et sœurs, en obtenant simplement l’accord de sa femme. Les parents avaient alors saisi le juge des libertés et le tribunal administratif de Châlons avait annulé cette décision puisque la famille n’avait pas été avertie. Dans l'intervalle, Vincent Lambert a vu son alimentation et hydratation réduites durant 31 jours, mais il a survécu.
Le docteur Eric Kariger avait alors lancé une procédure collégiale selon les formes requises en janvier 2014 et avait été désavoué une seconde fois par le tribunal de Châlons le 16 Janvier 2014. Rachel, François Lambert et le CHU avaient fait appel de cette décision devant le Conseil d’Etat. Une expertise médicale avait été demandée, et les trois experts avaient annoncé leur opposition à la mort de Vincent Lambert. Mais le Conseil d’État avait fini par approuver la décision du CHU et avait réformé le jugement du tribunal de Châlons. La CDEH, saisie, avait confirmé elle aussi l’arrêt des traitements.
Mais, coup de théâtre, les médecins avaient refusé de se conformer à cette décision. François Lambert avait alors saisi le tribunal pour les faire plier, mais sa demande fut rejetée.
Alors que la tutelle de Vincent Lambert est confiée à sa femme en 2016, François Lambert s’est cette fois adressé à la Cour d’appel administrative de Nancy pour relancer les procédures visant à l’arrêt des soins. Après plusieurs allers et retours du dossier, l’ultime demande de procédure collégiale a été faite par le docteur Sanchez en septembre 2017.
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