Si le discours d'Emmanuel Macron lors de la conférence de presse du 24 avril n'a pas marqué par ses annonces, il a été malgré tout saupoudré de quelques éléments de langage pouvant surprendre, d'autant qu'ils concernaient des sujets totalement étrangers au grand débat national. A moins d'un mois des élections européennes, ces petites allusions dont le chef de l'Etat a semble-t-il tenu à agrémenter son adresse aux Français révèlent-ils une stratégie électorale ?
Le président a par exemple promis d'être «intraitable» face à «l'islam politique qui veut faire sécession avec notre République», en plaidant notamment pour «renforcer les contrôles des financements qui viennent de l'étranger». Des termes qui peuvent laisser penser que le président se méfie du score potentiel du Rassemblement national et prend soin de ne pas se laisser déborder sur ces thèmes qui lui sont chers.
«Aujourd'hui, nous ne devons pas nous masquer : quand on parle de laïcité, on ne parle pas vraiment de laïcité mais du communautarisme qui s'est installé dans certains quartiers de la République (...), on parle des gens qui au nom d'une religion poursuivent un projet politique, celui d'un islam politique qui veut faire sécession avec notre République», a déclaré le chef de l'Etat précisant : «La loi de 1905 est notre pilier, pertinente, fruit de bataille, doit être renforcée et appliquée.» Emmanuel Macron a ciblé l'islam politique, mais aussi indirectement certaines mosquées, en esquissant son futur projet : «Le renforcement du contrôle sur les financements venant de l’étranger.»
Signe de l'ancrage de ce discours dans une frange précise du spectre politique : la tête de liste de La France insoumise pour les élections européennes, Manon Aubry, s'en est aussitôt indignée. Pour elle, Emmanuel Macron «oppose la laïcité et l'islam, comme le Rassemblement national».
Emmanuel Macron affirme en outre vouloir un débat annuel au Parlement sur la politique migratoire, en défendant «les frontières» et un «patriotisme inclusif». Il dénonce le «détournement très profond du regroupement familial et du droit d’asile». «Nous devons profondément refonder notre politique migratoire», argumente-t-il. Il ajoute vouloir une réforme de l'espace Schengen où la «responsabilité [irait] avec la solidarité» : «Je crois à l’Europe souveraine, qui repense sa coopération de développement à l’égard de l’Afrique pour éviter l’immigration subie. Mais c’est aussi une Europe qui tient ses frontières, qui les protège, qui a un droit d’asile réformé commun.»
A moins qu'Emmanuel Macron ne se soit inspiré des discours de l'un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy ? Une idée pas si fantasque, puisque les deux hommes s'estiment et se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises, l'actuel locataire de l'Elysée ayant d'ailleurs chargé Nicolas Sarkozy de le représenter, le 16 décembre dernier, à l'investiture de la nouvelle présidente géorgienne Salomé Zourabichvili.
Quelle que soit leur inspiration, ces éléments de langage d'Emmanuel Macron ne sont pas vains ni dus au hasard dans le contexte électoral actuel. A l'heure où la France apparaît particulièrement divisée, le président a souhaité jouer la ferveur nationale, en rappelant son soutien au service national universel – autre thème déconnecté du grand débat : «Nous ne sommes pas une société d'individus mais une nation de citoyens. Le service national universel est la matrice indispensable, vers ce qui fait très précisément cette nation citoyenne.»
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