Vous venez de critiquer le don de Bernard Arnault pour Notre-Dame de Paris, qu’est ce qui vous déplaît ?
Le drame de Notre-Dame nous émeut bien sûr, c’était terrifiant. Mais donner pour la reconstruction ne prive pas de faire un autre don, par exemple pour acheter des chaises pour les handicapés, de faire un geste pour des associations caritatives. L’un n’empêche pas l’autre, j’ai l’impression que les journalistes ne se sentent pas le droit de le dire : on fait juste deux chèques différents ! Ce n’est pas compliqué ! Et puis 200 millions au regard de la fortune de Bernard Arnault [environ 70 milliards d'euros], ce n’est pas tant que ça.
Est-ce que vous-même vous donnez à des associations caritatives ?
Bien sûr, je donne aux Restos du cœur, aux handicapés, à Emmaüs, j’ai donné beaucoup. J’ai toujours été sensible aux personnes en difficulté. Je ne suis pas riche mais je considère que j’ai eu une vie agréable, alors je donne ce que je peux donner.
Vous contestez les options prises par le gouvernement et vous écrivez des sms pour sermonner Emmanuel Macron, est-il réceptif?
Je suis toujours en révolte ! Je corresponds avec notre président depuis deux ans, je ne le ménage pas. Car nous sommes dans une France coupée en deux, avec la richesse d’un côté et la précarité de l’autre. Je lui envoie des sms, il ne me répond pas toujours. Alors je lui ai demandé si c’était parce que j’étais critique. Emmanuel Macron m’a dit «ça fait rien, je lis». Je lui ai demandé s’il voulait que j’arrête, il m’a dit «Non, continuez», alors je continue.
Je ne comprends pas sa politique. Il est complètement scotché aux riches. Quand on pense qu’il ne veut pas remettre l’impôt sur la fortune ! Il y a des gens qui dorment dans la rue qui ont de la peine à payer le loyer, qui ne peuvent plus faire des courses à la fin du mois… Ça commence à bien faire : jamais je n’ai connu cela, les femmes sans domicile, qui dorment dans les voitures, avec les enfants. C’est une période de violence extrême.
Vous avez la dent très dure envers les grandes fortunes…
Vous vous rendez compte que sur ces dernières années, les Hallyday n’ont pas payé d’impôts, puisqu’ils étaient installés à Saint-Barth. Depuis 2012, Carlos Ghosn ne payait pas non plus d’impôts en France alors qu’il était patron de Renault, et qu’il faisait, en outre, construire des voitures en Roumanie. On ne peut que constater que les grandes fortunes achètent des propriétés dans les paradis fiscaux, achètent des villas à Saint-Barth ou au Luxembourg qui est un paradis fiscal au sein de l’Europe.
On peut pas comparer ceux qui n’ont rien, et ceux qui ont tout !
Quand on sait que Bernard Arnault a gagné quatre milliards en un an ! Les milliardaires font fortune grâce aux pays où se trouvent les nouveaux esclaves, ces femmes asiatiques qui fabriquent les maillots de football en travaillant toute la nuit… Je pense aussi à Lactalis, avec leurs 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires espéré en 2020. Ils ont ruiné les producteurs de lait bretons, ceux-là même qui survivent avec 400 euros par mois, des familles dans la détresse… Comment peuvent-ils comme ça amasser des milliards ? Alors pourquoi ne pas rétablir un impôt sur la fortune ?
L’ISF est un de vos chevaux de bataille, ainsi que le maintien de la taxe d’habitation… pour ceux qui en ont les moyens.
Pourquoi Emmanuel Macron veut-il supprimer la taxe d’habitation alors que dans le triangle d’or à Paris, le mètre carré est à 20 000 euros et que certains louent des appartements à 15 000 euros par mois ? Avec ce type de revenus, ces personnes devraient payer les taxes d’habitation au prorata de ce qu’ils gagnent. Pourquoi les gens qui ont les moyens ne s’acquitteraient-ils pas de cette taxe ? On ne peut pas comparer ceux qui n’ont rien, et ceux qui ont tout !
Mais ne trouvez-vous pas chez certains ministres ou autres responsables politiques des initiatives plus enthousiasmantes ?
Ecoutez, l’Assemblée nationale, je les appelle «les canards et les oies». Les députés intéressants ne sont pas ceux qui dominent. C’est Emmanuel Macron qui a la main, il n’y a pas d’opposition. Les socialistes, c’est une catastrophe. J’ai connu Mendès-France, c’était une autre carrure ! Je suis choquée par les privilèges des députés, des sénateurs et du Conseil constitutionnel.
L’Assemblée nationale, je les appelle "les canards et les oies"
Cahuzac ne fera pas de prison, et pour que Juppé soit au Conseil constitutionnel, il faudra le loger aux frais du contribuable… c’est tout cela qu’on devrait taxer. La France des privilégiés, c’est trop choquant, ça s’aggrave. Cette année 2019 ne nous amène rien de bon. Cette politique va provoquer des réactions plus violentes qu’elles ne le sont maintenant.