Le Parlement européen a adopté le 16 avril un projet de directive concernant la protection des lanceurs d’alerte, à 591 voix pour et 29 voix contre. Où qu'ils soient dans l'Union européenne (UE), ils ne pourront plus dorénavant être sanctionnés lorsqu’ils seront à l’origine de révélations ou de fuites sur des activités illégales ou répréhensibles d’une entreprise ou d’une organisation.
La directive précise un cadre juridique qui protégera les lanceurs d’alerte et leurs informateurs de représailles. Le Conseil européen doit désormais adopter le texte qui entrera en vigueur d’ici deux ans.
«Une grande joie et une profonde satisfaction de terminer ce mandat avec cette belle avancée de la démocratie européenne !», a tweeté Virginie Rozière, eurodéputée française radicale de gauche, chargée du projet, qui mène ce combat depuis des années.
Seuls les secteurs de la Défense et de la sûreté de l’Etat ne seront pas concernés par cette loi. Ce qui ne sera pas le cas des marchés publics, de la protection des consommateurs et de la vie privée, de la sécurité des transports, des produits, de la sûreté nucléaire, des infractions financières ou de la protection de l’environnement.
Le scandale Luxleaks survenu en 2014, relatif aux accords conclus entre les Etats de l'UE et de grandes entreprises afin de baisser leurs taxes, a précipité l'élaboration de cette directive.
La France et l’Allemagne avaient toutefois essayé d’imposer une contrainte, celle de la hiérarchie des canaux. Celle-ci imposait aux lanceurs d’alerte rendre compte de l'information obtenue tout d’abord en interne, avant de la diffuser ou de porter une action en justice. La France a tenté d’imposer ce système de paliers faute de quoi le lanceur d’alerte ne serait plus protégé. Paris a même essayé d'obtenir une minorité de blocage pour contrer le texte, mais a fini par y renoncer le 13 mars. Une directive a été adoptée «au grand dam de la France qui, essentiellement par l'intermédiaire de son garde des Sceaux, et donc des instructions du président de la République, s'est montrée très active pour la vider de sa substance», selon l’avocat de lanceurs d'alerte Pierre Farge interviewé par la Tribune.
Peine perdue car désormais, toute organisation publique ou privée d’une certaine taille devra prévoir une procédure pour signaler les infractions qui seraient commises par ses employés.
Un projet de loi qui embarrassera la France, qui ne protège pas suffisamment ses lanceurs d'alerte
Cette décision vient à revers de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, concernant la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués. Elle précisait les conditions dans lesquelles l'obtention, l'utilisation et la révélation du secret des affaires étaient illicites tout en étant censée protéger les lanceurs d’alerte. Mais ses détracteurs craignaient qu’elle ne limite leur portée. En effet, elle couvrait les journalistes, mais pas toujours leurs sources. Et elle avait donné une définition très extensive du secret des affaires, qui limitait la marge de manœuvre des informateurs.
La loi Sapin 2 avait suscité les mêmes craintes. En 2016, Le Sénat, à majorité de droite, avait limité la mesure phare du projet de loi sur la transparence de la vie économique, la protection des lanceurs d'alerte, suivant en cela les propositions de sa commission des Lois.
En effet, cette loi ne prévoit qu’une protection purement théorique du lanceur d’alerte, qui se voit contraint de référer de ses découvertes à sa direction selon le principe de la hiérarchie des canaux. Ce processus le met immanquablement en danger, précipite des représailles ou un licenciement. S'il révèle ses secrets à ses supérieurs, le lanceur d'alerte court également le risque qu'ils tentent d'étouffer sa découverte. La commission avait aussi supprimé la prise en charge par le Défenseur des droits d'une aide financière pour les lanceurs d'alerte. Seuls les «aviseurs fiscaux», qui dénoncent l’évasion fiscale et permettent à l’Etat de récupérer des impôts impayés, peuvent aujourd'hui se voir indemnisés. Mais les dernières années montrent que si les recettes ont augmenté pour l’Etat, les sommes consacrées aux aviseurs ont diminué.
Thomas Dietrich, haut fonctionnaire, lanceur d'alerte, interviewé à l'époque par RT France avait critiqué cette loi, expliquant qu’elle n’allait «pas assez loin», et qu’il fallait obtenir une «protection juridique» au lanceur d’alerte et l’aider à retrouver un emploi après avoir révélé un scandale.
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